Daniel Cohn-Bendit entre Madelin et Hulot…

Évidemment, Chiara Mastroanni était dévastée : Donald Trump pourrait bien l’emporter aux États-Unis. Elle en fait des cauchemars. Daniel Cohn-Bendit, toujours prévenant,  l’a rassurée : Madame Clinton a encore toutes les chances de l’emporter. Le Camp du Bien ne cédera pas pas face aux psychopathes, fussent-ils milliardaires.

Évidemment, Yann Moix voulait savoir ce qui se passait dans la tête d’un terroriste. Il a formulé sa question de manière si tordue qu’on aurait pu en conclure que Serge July et Dany le Rouge avaient été à la tête d’une Internationale Terroriste. Il fallut déchanter : Daniel Cohn-Bendit a toujours été un centriste, tendance libérale sur le plan économique. Vaguement écolo qui soutiendrait Nicolas Hulot au cas où…Certes, il a connu un terroriste en Allemagne, mais c’était son garagiste.

Évidemment, il y avait un écrivain, François Begaudeau, pour prétendre que nous ne sommes pas en guerre. Peut-être assiste-t-on  à des « actes de guerre » a suggéré Léa Salamé. Un peu comme comme on assiste le samedi soir à On n’est pas couché pour avoir sa dose de clash et un peu d’adrénaline pour se sentir  encore vivant.

Ce qui est réjouissant avec l’ami Cohn-Bendit, c’est la commisération méprisante qu’il affiche face au personnel politique français et, plus généralement, à la culture d’un peuple qui veut que ses élites lui mentent, ne tiennent pas leurs promesses et les roulent dans la farine. Léa Salamé lui a fait remarquer que la France n’était pas l’Allemagne, qu’on aimait s’y étriper.

 

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« Il faudrait peut-être arrêter ces conneries », a suggéré Cohn-Bendit sans trop y croire. En revanche, l’Europe, encore l’Europe, toujours plus d’Europe serait la solution. C’est le dernier carré d’utopie auquel il est attaché et qu’il défend becs et ongles. On s’en voudrait de le contredire, ne serait-ce que parce qu’il sait mieux que quiconque que la politique est un effet de scène.

N’est-ce pas lui qui m’a dit un jour: en politique comme au théâtre,  le rythme est tout, le sens n’est rien. Ma seule crainte est qu’il l’ait oublié.

Christiane Taubira chez Laurent Ruquier

Juste après sa démission du gouvernement, Madame Taubira ne pouvait pas rater son rendez-vous avec son fan club Ruquier-Salamé-Moix, tous trois pétris d’admiration et de respect pour cette « icône de la gauche », ce qui aurait pu devenir pesant si elle n’avait pas aussitôt pris le parti de l’insolence en se moquant de la vacuité des questions de Ruquier et en appelant Yann Moix « Monsieur Moi » et Léa Salamé, « Salomé ». Mais quand on est porté par une telle ferveur, on ne s’en offusque pas. Et Madame Taubira aurait pu sortir triomphante de On n’est pas couché.

Sauf que…

Sauf qu’elle a fini par lasser tout le monde avec un son irrépressible désir d’occuper le terrain et de ne jamais laisser à ses interlocuteurs la possibilité de déceler la moindre faille dans son armure. Sans doute a-t-elle lu le petit livre du philosophe Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison.  Et elle l’a mis en pratique avec brio, mais en oubliant que l’élégance suprême consiste parfois à donner raison à ceux qui tentent, maladroitement certes, de vous mettre en difficulté. Une humilité, même feinte, attire plus la sympathie qu’un orgueil démesuré. Comme Madame Taubira n’en finissait pas de dresser un bilan somptueux de ses quatre années comme Garde des Sceaux, j’ai fini par éprouver une infinie compassion pour François Hollande, Manuel Valls et tant d’autres qui devaient s’étrangler en subissant son flot de paroles et n’avoir plus qu’une envie : la faire taire. Ou filer à l’anglaise.

 

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Cioran disait que ce qui vous tenait à cœur, on ne pouvait que le murmurer à l’oreille d’agonisants. J’ignore de ce que murmure Christiane Taubira à la jeunesse, mais sa manière de revenir de manière pompeuse sur les symboles de la République et sur les principes relève plus du mauvais théâtre que de la conviction intime. Ce qu’on perçoit dans son discours, c’est qu’elle et elle seule veut être un Symbole de la Gauche, alors qu’elle n’en est juste que le bulldozer. Quand ce n’est pas le bouledogue.

Laurent Ruquier: terreur sur l’Hexagone…

Il est étrange, en des temps troublés, de suivre une émission comme On n’est pas couché : l’électrochoc qui a secoué la France dans la nuit du 13 novembre, n’a visiblement pas ébranlé les animateurs, ni même les invités, comme si passer dans la petite lucarne immunisait contre tous les malheurs du monde et conduisait à reproduire ad aeternam les mêmes clichés et à poser les mêmes questions ineptes dont Léa Salamé et Yann Moix sont devenus au fil des mois les dérisoires incarnations. Évidemment, on peut toujours prendre plaisir, un plaisir pervers, à entendre Yann Moix lire Charles Péguy à haute voix sur un ton grandiloquent et répéter que les musulmans n’ont rien à voir avec l’islam politique. Évidemment, on peut toujours sourire aux minauderies de Léa Salamé qui, comme une enfant, cherche par tous les moyens à attirer l’attention de son papa en lui serinant, « Dis papa, pourquoi  on vend des armes à l’Arabie Saoudite ?  »

Le papa, en l’occurrence , était le maire de Pau, François Bayrou, un homme qui aime bien être photographié sur son tracteur entouré de ses six enfants. Il ne désespère pas d’être un jour une sorte d’Alain Juppé bis, le dernier recours de la Nation. Personne ne croit autant en lui que lui-même. Il dégage une forme d’auto-satisfaction qui fait plaisir à voir et qui serait même contagieuse s’il était en mesure de nous épargner les banalités d’usage. À lui seul, il résume cette haute fonction publique omnisciente et souvent inculte qui gangrène la France. C’est elle justement qu’attaque au vitriol Gilles Kepel, le meilleur spécialiste du discours djihadiste et de l’islam en France dans Terreur sur l’Hexagone, son dernier livre qui devait sortir en janvier chez Gallimard et qui sera en vente dès le quinze décembre. Voilà au moins un joli cadeau de Noël que nous devons aux djihadistes. Gilles Kepel n’est pas loin de penser avec Michel Houellebecq et Ivan Rioufol  que la situation fâcheuse – un euphémisme – dans laquelle nous nous trouvons a des responsables politiques parmi lesquels l’insignifiant opportuniste qui nous tient lieu de chef de l’Etat et le demeuré congénital qui lui fait office de Premier ministre (ce sont les mots de Houellebecq qu’on éprouve toujours un malin plaisir à citer). Au moins, Kepel et Houellebecq relèvent le défi lancé par l’islam, pas comme le pleutre Michel Onfray qui a renoncé à publier son essai (Penser l’Islam) en janvier chez Grasset.

Il n’y a pas que Péguy, ai-je envie de dire à Yann Moix,  il y a aussi Karl Kraus dont Les Derniers Jours de l’humanité sont autant de tableaux ouvrant sur des centaines d’enfers. On n’est pas couché est devenu l’enfer de l’insignifiance. Je me permettrai donc, en tant que Viennois (de l’empire austro-hongrois bien sûr) de conseiller la lecture des Monologues du Râleur et de l’Optimiste (aux éditions Agone) de Karl Kraus, dialogues qui débutent ainsi pour le plus vif plaisir de Léa Salamé (et pour une fois je n’invente rien) :

L’OPTIMISTE : Vous pouvez vous estimer heureux. En Syrie, une infirmière de la Croix-Rouge, dont la voiture a roulé encore quelques mètres, a été abattue.

LE RÂLEUR : On a donné la force armée à l’esclave. Sa nature ne le supporte pas. Il est comme le mendiant qui montre des plaies qu’il n’a pas reçues.

mix

Ce samedi 21-11, Le casse-tête chinois de Benoit Hamon…

Une anecdote pour débuter:  Alexandra Laignel-Lavastine a voulu savoir le samedi matin 14 novembre comment les jeunes de son quartier, dans le 93, avaient vécu cette nuit de carnage. Se pouvait-il que les images des tueries qui passaient en boucle  dans les cafés les laissent indifférents ? Elle s’attendait à un vague: « Là quand même ils abusent ! »
Pour en savoir plus, elle a fait ce que tout journaliste consciencieux devrait faire : s’immerger dans la population. Première surprise : rien ne laisse deviner qu’une tragédie vient de frapper le pays. Quand elle évoque ce qui vient de se passer, on la regarde comme une extra-terrestre quand ce n’est pas avec hostilité.

« Tu crois quand même pas ce qu’ils nous racontent ? », dit l’un, cependant qu’un autre habitué du café surenchérit :  Réfléchis trois secondes : un musulman, ça tue pas. Tuer, chez nous, c’est haram. C’est marqué dans le Coran. » Alexandra joue alors la carte bobo nunuche bien-pensante – rôle qu’affectionnent les invités de On n’est pas couché. Elle dit : « Certes, l’islam est une religion de tolérance et de paix, mais il peut y avoir de mauvais musulmans, des fanatiques qui le déforment et s’en servent à des fins politiques. »  Elle s’entend répondre : « C’est quoi ces conneries ? On sait tous que les images et les communiqués, c’est du bidon. »

Et là, cette chère Alexandra reçoit le coup de massue : « La vérité de toute façon, on la connaît: c’est  un complot contre nous et contre l’islam, comme avec Merah et le reste. Le but, c’est de salir les musulmans. On ne peut plus nous enfumer.  » Tout le monde approuve. Et quand Alexandra cherche à en savoir plus sur ce fameux complot, elle devine ce qui va suivre :  » Les criminels qu’il faut détruire à la kalach, c’est les Juifs ! Mais ça tu ne pourras jamais l’écrire dans ton journal vu qu’ils contrôlent tout.  » Avec ces trois mots magiques – Juif, sioniste, complot – la tension monte. Le reste, chacun peut le deviner.

Évidemment, comme Yann Moix on peut conseiller à chaque Français de souche d’envoyer une lettre d’amitié à ses amis musulmans ou se réjouir comme Ruquier qu’on dessine des cœurs sur les mosquées. Voire, comme la majorité des invités de l’émission de Taddéi, Ce soir ou jamais, s’autoflageller et battre sa coulpe en décrétant que les arabo-musulmans sont traités comme des sous-hommes en France. Et que, oui, il faut rester unis et surtout ne pas relâcher sa vigilance face à un fascisme et à une xénophobie qui ont le vent en poupe.

« Qu’est-ce qui nous unit ?  » se demande avec une une componction digne d’un cardinal du Vatican le philosophe Roger-Pol Droit qui officie au Monde et qui distille avec gourmandise des banalités qui ne fâcheront jamais personne. La légèreté, la fête, la baise, le vin…oui, ne cédons sur rien. L’exception française est là et, paradoxalement, elle n’a rien d’exceptionnel. Comme le dit l’invité d’honneur, Benoît Hamon, « ça ne suffira peut-être pas à vaincre nos ennemis !  »

Mais oui, la France est en guerre. Mais de quelle guerre s’agit-il et contre qui et avec quels alliés la menons-nous ? Là, ce pauvre Benoît Hamon ne cache pas son embarras. Quand Léa Salamé lui demande pourquoi nous sommes, nous Français, si proches de l’Arabie Saoudite et du Qatar – qui financent l’État islamique que nous combattons – et pourquoi nous leur vendons des armes, il lâche le morceau : parce que nous sommes pauvres et qu’eux sont riches. Et la Turquie ? Ce double, voire ce triple jeu de la Turquie ? Et Poutine, ami ou ennemi ? Et Bachar Al-Assad qui, lui au moins,  est cohérent comme on peut le voir dans l’entretien qu’il a donné à Valeurs Actuelles …sans oublier les rebelles syriens que nous avons armés…maintenant que le vent a tourné, on en fait quoi ? Un vrai supplice chinois pour ce brave Benoît Hamon qui tente tant bien que mal de défendre sa ville de Trappes qui fournit chaque mois un lot appréciable de combattants à l’Etat islamique.

Tout cela n’est rien, bien sûr, à côté de ce que subit chaque dimanche le dessinateur belge un rien démago, Philippe Geluck, harcelé  par sa femme qui veut jouer au Scrabble avec lui. Il cède comme il finira par céder aux requêtes des bons musulmans. Pas comme Oscar Freysinger, censuré par le quotidien suisse Le Temps, pour avoir affirmé notamment que « le crépuscule des dieux approche et nous ne voulons rien voir venir. C’est le déni qui nous tuera. Nous nous sommes évertués à nourrir sur notre sein le serpent qui nous mordra et nous le considérons toujours comme un doux chaton ronronnant.  » Et pourquoi Laurent Ruquier ne l’inviterait-il pas….une fois, une fois seulement , pour qu’on entende un autre son de cloche ?