Je ne peux plus dire le mot « Moi » sans rougir de honte.
Je ne sais pas d’où vient cette haine de soi que je ressens. Elle peut avoir plusieurs sources. Je m’en veux de ne pas avoir été au bout de ma pensée. Avec chacun de mes livres, je n’ai fait que reculer l’heure de mon suicide.
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Tout ce que j’écris, je l’écris dans des moments de désespoir. Surtout au milieu de la nuit. La nuit, tout cesse d’exister. Il n’y a plus rien, à part vous, le silence et la nuit. On est aussi seul que Dieu peut l’être.
Paradoxalement, sans cette idée du suicide, je me serais certainement tué. C’ est la clé qui ouvre mon âme. Depuis mon enfance, j’ai vécu tous les jours avec l’idée de la mort. Mon suicide était mon impératif catégorique. Et puis peu à peu, cette idée a perdu en intensité. Je me suis dit : « Tu es le maître de ta vie : tu peux te tuer quand tu veux. » Cela m’a aidé à supporter cette idée fixe. Mais elle ne m’a jamais quitté.
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Évidement, je ne suis pas un homme très actif. La nature ne m’a pas donné une volonté de fer. Autrement, il y a longtemps que je me serais suicidé. À vrai dire, je suis d’une passivité extrême. Et j’ai peur de toute initiative. Chaque initiative me rend malade. La seule que j’ai, c’est une capacité extrême à dire « non » ou à me défiler. J’aurais aimé être une pierre ou, à défaut, un animal.
Suis-je réactionnaire ? Peut-être par une nostalgie de la barbarie. Ce que j’ai de plus ancré en moi, c’est une négation absolue. On m’a reproché d’avoir été proche des fascistes dans ma jeunesse, mais ce ne sont pas leurs idées qui m’intéressaient, mais leur exaltation. J’étais totalement différent d’eux, mais leur pathologie me fascinait. Me fascinaient tout autant les Juifs. C’était l’autre part de ma nature. J’étais le seul non-juif à participer au Congrès Mondial juif à Bucarest.
Tout ce qui est extrême dans l’existence a exercé sur moi une fascination sans borne. Un temps, ce fut le marxisme. Je l’ai vite délaissé : trop systématique, trop sérieux, trop dogmatique et sans humour.
Ma vision était toujours esthétique et pas politique du tout. Les Allemands n’avaient aucun sens de la nuance, ni du doute. C’est ce qui les a plongés dans une tragédie inouïe. Mais ça vaut toujours mieux que les Français qui sont irrémédiablement provinciaux.