Freud contre Wagner-Jauregg, épisode 1/7

Comment les deux sommités médicales viennoises s’affrontèrent après la Première Guerre mondiale.

 

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1. La marque du « démoniaque »

En 1920, Freud a soixante-quatre ans. Dans Au-delà du principe de plaisir, il jongle avec des concepts explosifs – la compulsion de répétition, la réaction thérapeutique négative, la pulsion de mort – qui bouleversent la psychanalyse et signent la marque du « démoniaque », c’est-à-dire d’une force irrépressible, indépendante du principe de plaisir et susceptible de s’opposer à lui. On chuchote à Vienne que la guerre et l’effondrement de l’empire austro-hongrois ne sont pas étrangers à ce remaniement théorique qui débouche sur un pessimisme absolu. On ignore que Freud est atteint d’un cancer de la mâchoire et que bientôt l’Histoire, toute aussi cruelle, le contraindra à l’exil.

L’insouciance et la frivolité ne sont plus de mise dans l’Autriche de l’après-guerre : on cherche des responsables et, par conséquent, des coupables de la défaite, de la souffrance et du désarroi d’un peuple. À Vienne, cette « Capoue des esprits », on délaisse les cafés et les guinguettes pour les tribunaux. On ne parle plus d’amour, mais de justice. Le Parlement crée des commissions d’enquête. Et c’est devant l’une d’elles que Freud comparaîtra en tant qu’expert. L’accusé n’est autre qu’un de ses anciens condisciples à l’Université, le professeur Wagner-Jauregg.