Conversation sur les femmes…

Je retranscris à la hâte ce dialogue saisi sur le vif au premier étage du Flore entre deux jeunes philosophes.

– Comment donner tort à Schopenhauer quand il affirme que les femmes sont de grands enfants myopes, privés de mémoire et imprévoyants, vivant seulement dans le présent, dotées d’une intelligence semblable à celle des animaux avec tout juste un peu de raison, menteuses par excellence et nées pour demeurer perpétuellement sous tutelle ?

– Jolies fleurs qu’il leur envoie ! Mais aujourd’hui la femme ne veut  plus être traitée avec des fleurs : la galanterie est passée de mode. Elle veut sentir la force et plus tu lui en dis et plus tu lui en fais, plus elle t’aime. Si tu restes face à elle timide et respectueux, elle te considère aussitôt en son for intérieur comme un imbécile et commence à te faire la leçon. Tu dois faire la moue, te donner l’air d’un homme important, forcer le geste et la voix, mettre de côté trois ou quatre paradoxes, le plus efficace aiguillon de l’attention, et les sortir au bon moment d’une façon brève et impérieuse. Par ailleurs, laissons-lui croire qu’elle est un esprit fort, puisque de nos jours elle fait l’athée comme elle faisait autrefois la dévote…

Je ne suis pas intervenu dans cette conversation, soulagé seulement de savoir que j’avais toujours quelques paradoxes à ma disposition  et qu’ils m’avaient maintes fois sauvé de situations inextricables. Quand je me suis levé pour sortir, j’ai encore entendu cette phrase : « La philosophie mène un honnête homme tout droit au gibet. »

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Je me suis alors demandé où elle allait mener ces deux godelureaux, imprégnés de Schopenhauer et si visiblement mal à l’aise dans leur époque. Je n’ai toujours pas la réponse.

Mauvaises pensées: Exercice de misogynie collective…

Schopenhauer comparait l’acte sexuel à un crime, viol ou meurtre, suggérant que les aspects les plus insupportables de la femme sont une punition méritée par l’homme, cette dernière n’en finissant pas de se venger des violences qu’elle a subies. Seul le renoncement à la procréation, c’est-à-dire le suicide de l’humanité, serait à même de mettre un terme à cette immémoriale haine des sexes.

Même son ce cloche chez Octave Mirbeau, si apprécié par Bunuel : « La femme n’est pas un cerveau, elle est un sexe, rien de plus. Elle n’a qu’un rôle dans l’univers : celui de faire l’amour. » Elle est l’instrument de l’inconscient ou de la volonté qui mène le monde. Son individualité s’efface derrière sa fonction, qui est de perpétuer l’espèce. Créature maléfique, fatale par sa beauté qui transforme les hommes en pourceaux ou en pantins, elles les attire comme l’araignée dans sa toile.

On comprend dès lors ce personnage de Maupassant qui, d’abord effrayé par le mariage, puis écoeuré  par le « souffle léger des pourritures humaines » qu’exhale pourtant sa fraîche épouse, renonce à la chair en faveur du végétal : « Oh ! la chair, s’écrie-t-il, fumier séduisant et vivant, putréfaction en marche, qui pense, qui parle, qui regarde et qui sourit….Pourquoi les fleurs, seules, sentent-elles si bons  ? »

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Plus cynique, Baudelaire aimait raconter l’histoire de cet homme qui va au tir au pistolet, accompagné de son épouse. Il ajuste une poupée et souffle à sa compagne : « Je me figure que c’est toi. » Il ferme les yeux et abat la poupée. Puis, il dit en baisant la main de sa femme « Cher ange, que je te remercie pour mon adresse ! »

J’ouvre au hasard les carnets d’Imre Kertész et je tombe sur cette citation : « On ne passe pas d’une âme à l’autre : on y entre par effraction et on s’enfuit. Encore heureux  – si par peur ou par vanité – on ne devient pas un assassin. »