LA SAINTE ALLIANCE ENTRE LES MUSULMANS ET LES NAZIS RACONTEE PAR DEUX HISTORIENS ALLEMANDS
Avertissement: cet article a été publié pour la première fois dans le numéro 26 (janvier 2010) du Service Littéraire.
Il y a des histoires qu’on préférerait ne pas connaître. Des histoires qui nous atterrent. Des histoires dont on n’aurait jamais imaginé qu’un jour nous serions amenés à les évoquer. Ces histoires figurent dans le livre de deux chercheurs allemands: Matin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann. Il a pour titre Croissant fertile et croix gammée et traite du rapport entre les Arabes et le Troisième Reich. Il se lit avec un sentiment d’effroi et de stupéfaction. Tous ceux qui croient à une paix possible entre Israéliens et Palestiniens devraient s’y plonger. Et tous ceux, également, qui ne soupçonnent même pas les affinités, les complicités, entre les mouvement pan-islamistes et le nazisme.
J’aimerais, bien sûr, que tout ce que révèlent, au terme d’un travail de plusieurs années, ces deux historiens allemands soit erroné, que jamais le désir d’anéantissement du peuple juif par Hitler n’ait rencontré un tel assentiment de l’homme-de-la-rue arabe, ni qu’il ait joui d’une telle ferveur. J’aimerais que les intellectuels du Proche-Orient s’expriment sur ce livre. Ils ne le feront pas. Ils sont engagés, parfois malgré eux, dans un combat dont l’ampleur et la violence passent inaperçues aux yeux de tous ceux qui refusent l’idée d’un choc des civilisations. Ou, pour le moins, d’un projet de reconquête de l’Europe par les élites islamiques.
Ce qui rend également fascinante la lecture de cette enquête, ce sont les biographies succinctes des divers personnages rencontrés par les auteurs: Al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem bien sûr, qui dès 1952 encouragea son lointain parent Yasser Arafat à prendre la relève. Ou encore Erwin Ettel, ambassadeur à Téhéran et SS-Brigadeführer qui échappa à la dénazification, et qui, sous le faux nom d’Ernst Krüger, fut engagé dans le prestigieux Die Zeit, en 1950, comme rédacteur chargé de la politique étrangère de l’Allemagne. Sait-on que Mein Kampf, avec l’accord de Hitler, fut traduit en arabe mais expurgé de quelques lignes où l’auteur disait refuser l’alliance avec « une coalition d’estropiés » ? Quant au terme d’antisémitisme, dont les experts du Moyen-Orient avaient très tôt déconseillé l’emploi, dans la mesure où les Arabes sont des sémites, il ne posa pas de réels problèmes non plus: on expliquait qu’il était simplement dirigé contre les juifs.
Laissons le mot de la fin à l’Égyptien Ahmed Hussein, membre des Frères Musulmans: « Cherche le Juif derrière toute perversion ». Comme bien d’autres leaders arabes, il se rendit en 1936 au Congrès de Nuremberg avec une association de ses « chemises brunes » parlementaires. De jeunes Irakiens furent également accueillis par Hitler personnellement et passèrent ensuite des vacances en tant qu’hôtes des Jeunesses hitlériennes. Même le plus retors des scénaristes n’aurait jamais inséré dans un film les scènes racontées par Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann. Mais sans elles, comment comprendre la suite de l’histoire ..?
Toujours disponible: Croissant fertile et croix gammée, le Troisième Reich, les Arabes et la Palestine, par Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann, Éditions Verdier, 340 pp.