HARVEY WEINSTEIN, PIG OU PARIA ?

Dans les années soixante, j’avais sympathisé avec Claude Chabrol  – je faisais alors de la critique de cinéma et j’avais été subjugué par deux de ses films : Les bonnes femmes et À double tour. Il m’avait invité à déjeuner chez lui, un appartement cossu du seizième. Il vivait encore avec Stéphane Audran. L’ambiance était joyeuse et, avant que je m’éclipse, Chabrol m’avait entraîné dans son bureau.

En rigolant, il m’avait dit : « Le cinéma les rend folles : regardez ! »

Il avait ouvert un tiroir rempli de photos de créatures plus ou moins dénudées , avec leur nom et leur numéro de téléphone. « Servez-vous !« , avait-il ajouté en me donnant une tape dans le dos. Je lui avais alors raconté que Louise Brooks, l’idole de mes vingt ans, avait écrit dans Lulu in Hollywood que toutes les filles qui veulent faire du cinéma sont soit des folles, soit des putes. Et le plus souvent les deux ensemble. Je n’en avais jamais douté.

Plus récemment, j’étais en consultation chez mon cardiologue – un demi-siècle s’était écoulé – lorsque le téléphone a sonné. Le docteur B. a répondu et entamé une conversation qui m’a paru bien longue. Un peu gêné, après avoir raccroché, il m’a confié :  » C’est un ami qui hésite à se faire opérer de la prostate. » « Pourquoi ? « , ai-je demandé. Il m’a répondu en ricanant : « Parce qu’il est producteur de cinéma et qu’il est persuadé que s’il ne peut plus baiser ses actrices, il ne sera plus rien dans le monde du cinéma. »

Et maintenant après David Hamilton, voici le pig Weinstein, le magnat d’Hollywood, désigné à la vindicte populaire. Pas une actrice ou presque qui ne prétende avoir été harcelée ou violée par lui. Bientôt, ce sera un déshonneur de n’avoir pas été une victime de Harvey Weinstein. Chacun connaissait pourtant ses manières un peu rustres, son penchant pour les partouzes, la cocaïne et les filles faciles. Les soirées qu’il donnait sur son yacht amarré à Cannes pendant le Festival n’étaient boudées par personne. Sa réputation le précédait : il était le seigneur des pigs, celui qui affolait les nymphettes en celluloïd et qui s’octroyait un droit de cuissage depuis plus de vingt ans. Le voici devenu en quelques jours, comme D.S.K., le paria, l’homme qu’il faut haïr, l’homme qui, outre leur virginité, a dépouillé les femmes de leur dignité. Seul Oliver Stone l’a défendu. Il est vrai qu’ il s’est montré affable avec Poutine. Méfions-nous !

 

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Quant à Barack Obama et à Madame Clinton, ils n’ont jamais refusé les dons colossaux du pig Weinstein pour leurs campagnes électorales. Harvey Weinstein a été reçu treize fois à la Maison Blanche par Obama, sa femme, Michelle le considérait comme un ami et le plus délicieux des hommes, au point d’envoyer sa fille faire un stage à la Weinstein Company. Obama a écrit quelque part : « Tout homme qui se comporte de manière dégradante avec les femmes  doit être condamné et rendu responsable de ses actes, quels que soient sa richesse ou son statut ». Hypocrisie ou déni de la réalité ?

 

Bernard-Henri Lévy, un bretteur chez Ruquier…

Bernard-Henri Lévy est un rhéteur hors pair et un bretteur incomparable. Il l’a prouvé, une fois de plus, chez Laurent Ruquier en défendant son livre L’Esprit du judaïsme qui aurait pu s’intituler Le Génie du judaïsme évoquant ainsi les mânes de Chateaubriand et de son Génie du christianisme. Ce que le monde doit aux Juifs, il a eu raison de ne pas trop y insister. Ce que le monde perd sans eux, il faut vraiment être atteint de cécité spirituelle pour ne pas le voir. Et pourtant, l’antisémitisme renaît dés lors qu’on croit l’avoir asséché. Bernard-Henri Lévy, quitte à plonger ses interlocuteurs dans la perplexité, n’a pas manqué, et à juste titre, de rappeler que le venin antisémite est toujours présent dans la société française dès lors qu’on évoque Israël ou des hommes d’Etat comme Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn. Il aurait pu ajouter que le nouvel antisémitisme qui débarque allègrement des pays arabo-musulmans fait peser sur les Juifs de France une menace pire encore. On ne pouvait pas ne pas songer en l’écoutant au mot de Billy Wilder s’exilant aux États-Unis : « Les Juifs optimistes ont fini à Auschwitz, les pessimistes à Hollywood. » Bernard-Henri Lévy, tout en distinguant parfaitement le racisme de l’antisémitisme, pèche sans doute par optimisme en esquivant les menaces que font peser les arabo-musulmans sur l’Europe. Et, plus encore, en imaginant un Proche-Orient apaisé. Léa Salamé n’a pas eu tort de citer un conseiller d’Obama disant qu’intervenir militairement ou s’abstenir est également catastrophique.

Bernard-Henri Lévy, au nom du judaïsme, se croit investi d’une mission. On peut lui reprocher sa mégalomanie, son narcissisme, voire même sa naïveté, mais pas sa sincérité.  Certains le rangeront volontiers dans la catégorie des besser-waïsser, expression yiddish dont la traduction la plus fidèle s’exprime dans cette histoire juive : « Quelle est la différence entre Dieu et un Juif ? Dieu sait tout, un Juif sait tout mieux. »

Pourquoi pas ? Mais il reste le panache du personnage, même sans chemise blanche, son ironie d’homme blessé et une volonté de comprendre l’incompréhensible qui, à titre personnel, me touchent.
En revanche, qu’il écarte d’un revers de la main Spinoza du judaïsme, alors qu’il en est la gloire, me fait douter de son jugement… et, parfois, du mien aussi.

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