Issei Sagawa, un esthète de l’horreur, épisode 1

La plupart des hommes mangent leur femme d’abord et la tuent ensuite. Pour avoir adopté la démarche inverse et franchi la frontière ténue entre le symbolique et le réel, Issei Sagawa a connu quelques ennuis avec la justice française et conquis une notoriété internationale. Les Rolling Stones eux-mêmes célébrèrent l’événement dans leur chanson Too Much Blood.

Issei Sagawa, rappelons-le, est ce jeune étudiant japonais, spécialiste de Shakespeare et de Kawabata, qui durant le mois de juin 1981, alors que François Mitterrand s’apprêtait à planter ses crocs dans la douce France, abattit d’un coup de fusil Renée, une Hollandaise âgée de vingt-cinq ans, la dépeça et pendant trois jours goûta aux différentes parties de son anatomie, sans négliger pour autant quelques voluptés nécrophiles.

Renée avait une passion pour les surréalistes et préparait un mémoire sur Marguerite Duras. Une manière comme une autre de se préparer à vivre un « amour fou ». Car Issei était persuadé d’atteindre en la mangeant une forme d’apothéose érotique. On ne connaîtra jamais l’opinion de Renée à ce sujet, mais on peut douter qu’elle l’ait partagée. Même les lectrices d’André Breton et de Marguerite Duras préfèrent les humiliations de la vieillesse à la splendeur d’une mort précoce.

Avant de tirer le coup de fusil fatal, Issei avait prié Renée de lui lire à haute voix un des plus beaux poèmes de l’expressionnisme allemand, Abend de Johannes Becher :

L’homme fort qui part pour l’Ouest avec le soleil levant
Je le loue avec joie
Il chasse une bête sauvage gorgée de sang dans le pays
Dans la journée dévore la ville
Se rassasie de cervelle
L’animal qui a déchiré la terre avec le mauvais désir ? 

 

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