PROPOS INTEMPESTIFS…

Je ne parviens plus à comprendre qu’une jeune fille exprimant sa répulsion face à l’Islam en des termes vigoureux fasse l’objet d’une enquête pour « provocation à haine raciale. » Il m’est arrivé d’écrire que Jésus était un prestidigitateur qui avait raté la fin de sa carrière…va-t-on m’enfermer dans un couvent pour autant ? Oui, je soutiens Mila.

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Je n’arrive pas à comprendre qu’après les affaires Millet et Matzneff il puisse y avoir encore de jeunes ambitieux qui tiennent à être édités chez Gallimard et tant de vieux auteurs qui ne se désolidarisent pas de leur boss.

Je n’arrive pas à comprendre que personne ne prenne en compte le nombre de délinquants ou de criminels qui ont été incarcérés dans leur pays d’origine et qui sont accueillis en France comme des héros.

Je n’arrive pas à comprendre que l’avortement soit autorisé, alors que le suicide assisté ne l’est pas. Simple question de logique.

Je n’arrive pas à comprendre que la chasse aux pédophiles soit devenue un sport national, alors que les mariages des homosexuels qui peuvent adopter un enfant est plébiscité. Nul n’ignore pourtant que l’enfant peut devenir l’objet de leurs jeux sexuels.

Je n’arrive pas à comprendre qu’un problème simple comme celui des retraites mette la France au bord d’une guerre civile. Ou peut-être que je le comprends trop bien dans ce cas précis : Emmanuel Macron est parvenu à se faire haïr à un point tel que sa décapitation ravirait même ceux qui ont contribué à le faire élire.

Je n’arrive pas à comprendre la capitulation des hommes face au néo-féminisme castrateur qui les guette. Entre un islamisme conquérant et des revendications féminines exorbitantes, ils sont pris dans un étau qui se resserre inexorablement. Non, il ne faut pas être « gentil » en toutes circonstances sous peine de se laisser piétiner, ai-je envie, en pure perte bien entendu, de leur conseiller.

Finalement, c’est un clone de Trump ou de Bojo qui serait seul en mesure de résister à la déliquescence de ce pays où la lâcheté et la débilité intellectuelle progressent à la vitesse grand V.

REFLEXIONS SUR L’AFFAIRE MATZNEFF…

1. Matzneff est un vieil ami, presque un frère. Nous avons passé d’innombrables étés à la piscine Deligny et dîné régulièrement avec Cioran et François Bott qui dirigeait le supplément littéraire du Monde. J’y travaillais également et j’étais parvenu à obtenir une chronique pour Gabriel Matzneff , chronique insolente et décalée qu’il a tenue pendant sept ans, en dépit de la stupeur et de l’indignation de la plupart des rédacteurs. Ce furent des années glorieuses qui prirent fin au début des années 1990, en même temps que coulait la piscine Deligny, lieu mythique du glamour et du sexe. J’y ai même connu Nastasjia Kinski….bref, On ne pouvait pas être plus proche du Paradis. Gabriel y emmenait Vanessa Springora, une lycéenne de 14 ans. Celle par qui trente-cinq ans plus tard le scandale allait arriver. Depuis, Gabriel s’est réfugié en Italie, je reçois des menaces de mort. Après le Paradis, l’Enfer. Je suis consterné.

2. Quand Gabriel avait publié un bref essai sur ses goûts sexuels, Les moins de seize ans sur la demande de Jacques Chancel, le livre avait été accueilli avec jubilation. Je lui avais même consacré une chronique dans 24 Heures. Et à la piscine Montchoisi, je connaissais des lycéennes qui avaient des liaisons avec des hommes plus âgés, souvent des amis de leur père. Pour d’obscures raisons, ces délicieuses transgressions passent aujourd’hui pour des crimes abominables. Matzneff qui recherchait la gloire, l’a enfin trouvée, mais sous la forme la plus abominable : il est devenu M. le Maudit, lui qui était adulé et personnellement protégé par François Mitterrand.

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3. Que Vanessa Springora ait eu envie de raconter sa folle passion pour Gabriel, je le comprends fort bien. Elle y est d’ailleurs parvenue avec un incontestable talent, de même que Linda Lê dans « Solo » avait réglé ses comptes avec moi, me traitant de filou sentimental. C’est de bonne guerre.

4. Que Vanessa ait souffert d’avoir été trompée par Gabriel, je le conçois fort bien. Les premières amours se terminent mal en général. Les autres aussi, d’ailleurs.

5. Ce qui a changé depuis les années 1990, c’est sans doute un néo-féminisme qui vise moins une égalité des droits qu’à une castration de l’homme. C’est ce qui m’est apparu très clairement quand j’ai écrit mon livre sur John Wayne et que je l’ai comparé à Lacan pour le refus de la castration. Il semble bien que ce combat soit perdu.

6. Que les femmes demandent plus de respect est parfaitement légitime. Mais trop de respect risque fort d’étouffer le désir.

7. L’affaire Weinstein est une affaire de gros sous : il n’y a plus que deux femmes sur cent plaignantes qui ont maintenu leur plainte. Mais le climat général est favorable à la judiciarisaton des rapports humains, y compris dans ce qu’il ont de plus intime. Est-ce vraiment un progrès ?

 

8. Matzneff a-t-il mérité ce qui lui arrive ? Mettons qu’il a sous-estimé la férocité des humains lorsqu’ils chassent en meute et vécu dans une forme d’érotomanie, c’est-à-dire avec l’illusion délirante d’être aimé. Il a passé sa vie à construire sa propre statue. Et voici qu’elle est démolie. C’est un rude coup pour son narcissisme.

9. Tu me demandes, Chère Isabelle, si je me sens coupable de comportements sexuels inappropriés. Pas vraiment. Contrairement à Matzneff, je n’ai aucune attirance pour les petits garçons et pour les petites filles. Sur ce plan, je suis désespérément normal. Ai-je été cruel avec certaines filles ? Sans doute, mais paradoxalement je suis resté en excellents termes avec celles qu’on désignait autrefois comme nos « conquêtes », sans avoir conscience que nous étions le plus souvent leur proie. J’en parle dans mon dernier livre : « Confession d’un gentil garçon ».

10. Il est très troublant pour moi, après avoir travaillé pendant trente-cinq ans pour un quotidien du soir, « Le Monde » en l’occurrence, qui décerne des brevets de moralité, de me retrouver à «  Causeur » où règne une totale liberté de ton et un esprit combattif….notamment contre le féminisme et l’islamisme conquérant. Élisabeth Lévy, tout comme moi, défendons les proscrits et les mauvais esprits. Matzneff bien sûr, mais aussi Richard Millet ou Éric Zemmour, tous ceux que l’empire du bien tente de réduire au silence. Il est vrai à ce titre que je suis menacé et que je prends des risques. Mais enfin, n’ai-je pas appris dans mon adolescence qu’il fallait « vivre dangereusement » ? Et qu’écrire, c’est le plus souvent signer un pacte avec le Diable ? Je vis aujourd’hui avec une jeune fille de 20 ans, turque de culture musulmane, que son frère a tenté de poignarder parce qu’elle est athée et libre de mœurs. Je dis oui à l’esprit de résistance et je vomis Gallimard qui retire Matzneff de son catalogue.

 

11. Dans le mail que je viens de recevoir de Gabriel, il m’écrit que pour l’instant il ne tient pas à assombrir son insouciance – qui est notre bien le plus précieux – par des inquiétudes regardant l’avenir, car celui-ci, quel qu’il soit, sera affreux. «  Cela dit, conclut-il, nos contemporains sont devenus extraordinairement cons. » Conclusion que je reprends à mon compte : cons et lâches.

TOURISTE ? QUELLE HORREUR !

Être qualifié de « touriste » est devenu une honte. Une honte à laquelle rares sont ceux qui échappent, à moins d’être des hommes d’affaires ou des migrants. Les premiers ont tous les droits, les seconds n’en ont aucun, mais ils échappent à la qualification calamiteuse de « touriste ». Une des caractéristiques du touriste, c’est qu’il aime mépriser les touristes, les blâmer et qu’il ne veut  en aucun cas être confondu avec eux. Le passage des frontières le rappelle à cette humiliante réalité. Qu’il le veuille ou non, il est un touriste, alors qu’il n’aspire qu’à être un citoyen du monde, sans rien renoncer pour autant à ce qu’il chérit le plus : sa singularité.

Il y tient d’autant plus à cette singularité que l’image du touriste est en général associée à une certaine laideur et à une certaine gaucherie. Être confondu avec sa concierge qui aurait reçu dans une pochette surprise un coupon cadeau pour un séjour à Malte dans un quatre étoiles, quelle  honte !  L’écrivain italien Roberto Calasso note que dans l’observation des touristes par les touristes se mêlent immanquablement un certain embarras et un soupçon de réprobation, d’autant plus violent parfois que réprimé, car le touriste se veut tout à la fois citoyen du monde et dépourvu de tout préjugé raciste, sexiste ou anti-démocratique. Et pourtant quand un touriste regarde un autre touriste, c’est l’humanité qui se regarde elle-même et pressent qu’elle a perdu quelque chose. Elle ne sait pas trop quoi, mais elle sait que ce sera irrécupérable. Karl Kraus a dit qu’avec la démocratie on étend à tous le privilège d’avoir accès à des choses qui ne sont plus là. Il en est de même du tourisme.

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Alors comment éviter la honte d’être un touriste ? Comment voyager sans être un touriste ? Roberto Calasso suggère, sans trop y croire, qu’on peut toujours se fixer un but, le sexe étant le plus évident, nettement circonscrit et pragmatique. Une fille dans chaque port, un bordel dans chaque ville ! C’est sans doute le dernier objectif des seniors et il n’est pas reluisant. On peut également voyager avec l’intention de n’être pas seulement un observateur, mais de faire le bien. Le monde séculier ignore la grâce, mais éprouve toujours le besoin aigu de « gagner son salut ». Et pour ce faire, note Roberto Calasso, il n’y a qu’une voie : acquérir des mérites. Par exemple, éduquer des enfants autochtones ou sauver des tortues. On évitera l’embarras de l’aumône donnée à des miséreux : cela vous désignerait à nouveau comme un touriste. Mieux vaut une « donation » destinée à des autochtones que l’on connaît. On reviendra ainsi chez soi surchargé de bonnes actions, ce qui vous évitera d’être confondu avec un touriste bas de gamme dont les voyages ne peuvent être que répréhensibles et fades.

Mais anticipons : le tourisme aura bientôt disparu ou tout au moins n’apparaîtra plus nécessairement lié au voyage. Il se présentera plutôt comme une réalité seconde, dont le modèle sera la réalité virtuelle. D’ailleurs chacun peut le constater dans sa vie sexuelle nous ne sommes pas loin du moment où une réalité virtuelle ne pourra plus se distinguer de la chose réelle. Et il nous faudra alors reconnaître que le tourisme n’est plus un secteur florissant du monde, comme il l’a été au siècle passé, mais que le monde entier est devenu un secteur attardé du tourisme. Se promener à travers les rues d’une ville inconnue, faire confiance au hasard, errer vers ce qui attire le plus, autant de pratiques qui seront devenues obsolètes et auxquelles plus personne ne se laissera aller. Personne  n’aura honte d’être un touriste, puisque le tourisme sera mort et enterré. L’avenir est aux migrants et aux hommes d’affaires. Ils forment le couple idéal.

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Roberto Calasso :  » L’innommable actuel  » . Éd. Gallimard.

ÉRIC ZEMMOUR ET DANIEL COHN-BENDIT : UNE CONFRONTATION ÉTERNELLE !

Disons-le : nos deux polémistes préférés ont assuré le spectacle pendant trois heures avec brio sur LCI. Sur un thème plutôt ingrat : l’Union Européenne dont chacun sait qu’elle est comme un train bloqué dans tunnel, incapable d’avancer ou de reculer, alors que les empires américains, chinois et russes filent à l’allure d’un TGV.

Le plus fascinant dans ce débat était d’observer  combien  deux options philosophiques s’opposaient. Celle de Zemmour incarnait le mot célèbre de Hobbes :  »  L’homme est un loup pour l’homme  » ( surtout s’il est musulman, ajouterait Éric ) , cependant que Daniel Cohn-Bendit dans un élan utopique soutenait, après Terence, qu’il est un homme et que rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger. D’où cet échange assez violent entre Daniel Cohn-Bendit pour qui les valeurs ou, si l’on préfère, les droits de l’homme , sont universalistes, alors que pour Éric Zemmour elles sont tout au plus un produit français destiné à l’exportation comme le brie ou le champagne, chaque nation défendant son territoire et son mode de vie avec férocité.

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Pour avoir pas mal bourlingué, force m’est de donner raison à Éric Zemmour : il faut vraiment être français pour imaginer que chaque civilisation ou religion ne considère pas ses valeurs comme étant supérieures à celles du monde entier. Il en va de même d’ailleurs pour la gastronomie. Il n’y pas d’homme universel, même si on peut le regretter: il y a des Anglais, des Chinois, des Camerounais ( j’arrête la liste) qui ont leur code d’honneur et c’est rarement le même. On peut toujours rêver comme cette étudiante en médecine sur le plateau, fort jolie de surcroit, à une identité européenne qui se construira au fil des générations grâce au programme Erasmus, mais Éric Zemmour n’a pas eu tort de se moquer de sa naïveté et de tenter de lui faire comprendre qu’elle n’était, grâce à Erasmus, qu’un brave petit soldat décervelé au service de l’Empire du Bien.

Le débat a tourné à la confusion quand il s’est agi du judaïsme, qui est lui aussi, un mélange de provincialisme et d’universalisme. Daniel Conhn-Bendit a eu l’honnêteté et l’intelligence de rappeler combien ses positions étaient liées à son ADN familial. En revanche, il s’est montré d’une mauvaise foi hallucinante en comparant les viols de masse à Cologne commis par les migrants – les envahisseurs, dirait Zemmour – à la drague un peu lourde des Italiens. Mais celle qui s’est montrée d’un courage exemplaire, c’est cette juriste parisienne interrogée durant l’émission par Pujadas qui, pour avoir vécu dans l’immeuble du Bataclan et ensuite à Calais, n’a pas craint de dénoncer les ravages que commet l’Islam en France. Cohn-Bendit a voulu tempérer ses propos en parlant d’Islamo-fascisme sous le regard goguenard de Zemmour. Trop tard. Le mal était fait.

SUPPRIMER TOUS LES IMPÔTS…

Une solution révolutionnaire qui simplifierait bien des problèmes.

Comme je dînais l’autre soir chez Yushi, ma cantine japonaise, avec le directeur d’une grande banque suisse, il s’étonna de la grande confusion qui règne chez nos amis français concernant les impôts et la justice fiscale. Il me confia qu’ils avaient un train de retard et que plus personne ne comprend quoi que ce soit à la politique fiscale d’un gouvernement prétendument le plus brillant dans ce domaine complexe qui agite les passions sans pour autant proposer de solutions simples et en concordance avec l’esprit du temps qui exige de la transparence et une lutte sans pitié contre toutes formes de fraude.

Curieux et sceptique, je lui demandai quelle serait cette solution miracle.  » Miracle, je n’en jurerai pas  » me répondit-il en commandant un second flacon de saké.  » Mais ingénieuse !  » Et, en riant, il ajouta qu’il suffirait de supprimer tous les impôts ! J’ai cru un instant que le saké lui tournait la tête ou qu’il se payait la mienne. Face à ma perplexité, il se crut tenu de m’expliquer plus précisément comment l’État se trouverait alors en mesure de financer toutes ses dépenses. Je ne suis pas certain d’avoir tout compris, ni tout retenu – le saké n’est guère propice à cette haute voltige intellectuelle. Mais voici, pour les nuls, quelques points qui me sont apparus ingénieux.

Le premier consisterait à abolir la TVA dont nul n’ignore qu’elle défavorise les plus pauvres, ainsi que les impôts sur les revenus qui seraient remplacés par une taxation de tous les flux financiers. Cette micro-taxe, de l’ordre de 0,1 % ou 0,2%, s’appliquerait à toutes les tractations financières électroniques. Ce ne sont plus les entreprise ou les individus qui seraient taxés, mais les flux financiers. D’après les calculs de l’École Polytechnique de Zurich, ce système rapporterait plus que tous les impôts actuels et moderniserait le système fiscal actuel qui en a le plus grand besoin. D’autant qu’à l’heure de la numérisation, cela n’a plus grand sens de taxer le travail à ce point alors que de nombreux emplois disparaissent et que nous allons au-devant d’un chômage de masse.

L’autre avantage de cette microtaxe serait, toujours selon mon ami banquier, de financer la transition écologique et, surtout, un salaire minimum garanti pour tous. Cela me semblait presque trop beau pour être vrai. Et pourtant, je dus me rendre à l’évidence quand il m’apprit qu’une initiative populaire aurait bientôt lieu en Suisse, sans doute ce printemps, pour que le peuple puisse se prononcer sur cette révolution fiscale. En revanche, on peut douter qu’en France on demande jamais leur avis aux citoyens et que le bricolage du système fiscal actuel ne se prolonge jusqu’à son écroulement. Taxer les flux financiers – de votre café matinal à toutes les ventes d’actions ou d’obligations – me semble une idée lumineuse, facile à appliquer à l’heure du numérique et compréhensible par tous.

Mais l’abus de saké m’a sans doute tourné la tête. Ne m’en tenez pas rigueur !

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ROBERT LINHART ET JACQUES-ALAIN MILLER AU BAR DES ALPES

J’aime bien cette idée de Jean-Claude Carrière : l’utopie s’est clochardisée. « Forget 68« , dirait Cohn-Bendit. Parfois, pourtant, un guitariste au coin d’une rue conserve dans son regard, dans sa voix, dans ses ongles noirs une parcelle des rêves perdus d’une génération. Il tend la main, mais rares sont ceux qui s’arrêtent et plus rares encore ceux qui donnent. Pourquoi donneraient-ils d’ailleurs, persuadés qu’ils sont qu’on ne les reprendra plus la main dans le sac aux utopies. Déjà qu’ils ne supportent pas ces ces vagues de migrants qui déferlent sur une Europe en miettes, ni ces Roms qui jouent aux miséreux en les narguant et en leur piquant leurs Smartphones… Non, Mai 68 les a vaccinés : chacun sait maintenant qu’un hasard médiocre commande nos vies et que courir après des utopies porte la poisse. Après tout, la médiocrité assumée est moins assommante que le pathos du génie méconnu. Et avec le Grand Remplacement qui se profile à l’horizon, soyons sur nos gardes. Un seul mot d’ordre : méfiance.

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Mai 68 – Gilles Caron

Mai 68 nous a guéris de la croyance aux miracles : certains se sont retranchés dans la folie comme mon ami Robert Linhart auquel sa fille, Virginie, a consacré un livre touchant  (elle note au passage que ceux qui ont choisi Lacan comme Jacques-Alain Miller s’en sont mieux sortis que ceux qui ont choisi Althusser). D’autres ont opté pour un cynisme désabusé comme Raphaël Sorin. Enfin il y a ceux, comme François Bott – et tant d’autres – qui n’en finissent pas de rêver qu’ils ont fait l’amour avec l’Histoire -quitte à être cocus.

Personnellement, je n’ai vu en 68 qu’une aimable et folklorique surprise-partie, sans commune mesure avec ce qu’avait été la Guerre d’Algérie. Et je songe parfois à Marcel Jouhandeau apostrophant les étudiants à la Sorbonne par ces mots : « Demain, vous serez tous des notaires ! » Ils le sont devenus et ont donné à leurs petits-fils les livres publiés par les éditions Maspero. Ces derniers se sont empressés de les mettre à la poubelle. Oui, le sac aux utopies est dans un sale état et il faut beaucoup de mauvaise foi pour imaginer que la libération sexuelle s’y trouvait. La génération « Salut les copains » avait déjà fait le boulot. Et Brigitte Bardot avait quelques longueurs d’avance.

Je me souviens encore des nuits passées avec Robert Linhart et Jacques-Alain Miller à débattre, pendant que tourne un vieux magnétophone, de politique internationale en vue de nous préparer à nos succès futurs. Nous avions à peine vingt ans alors. Et je n’étais pas peu fier d’avoir publié le premier article de Robert dans Le Peuple : il traitait de la guerre du Vietnam à travers le livre de Jules Roy sur Dien Bien Phu. Nous dansions aussi la bamba au Bar des Alpes, à Verbier. Et Robert se livrait à des exercices de misogynie des plus jouissifs : il demandait à des pécores si elles étaient capables de faire un syllogisme. Le résultat était toujours navrant. Mais ce qui me semblait encore plus navrant, c’est lorsqu’ une bande de normaliens, toujours à Verbier, station chic par excellence, se retirait dans un chalet comme une bande de comploteurs pour écouter avec ferveur Radio Tirana et applaudir aux analyses politique d’Enver Hodja.

S’il y a un miracle, c’est celui de la transformation de la vie en passé. Tout ce qui a été et qui ne sera plus. Et qui occupe de plus en plus de place dans nos mémoires en reléguant les faits au magasin des accessoires au profit d’une mythologie plus flatteuse. C’est sans doute ce qui me pousse à lire La Conférence de Nîmes de Jacques-Alain Miller. Je suis bluffé par son agilité intellectuelle tout comme je l’étais il y a un demi-siècle. Avec le sentiment d’avoir pour ma part épuisé mon capital de créativité, alors que lui… Et Robert, prisonnier de son mutisme, qu’en pense-t-il ? Je le tenais pour un génie. Quel mauvais démon l’a poussé chez Renault pour devenir, selon son expression , « un homme-chaîne » ? J’ose espérer que ce n’est quand même pas Radio Tirana !

 

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Gilles Caron

COMMENT LES HOMMES OSENT- ILS ?

Récriminations féminines 

 

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La parole des femmes s’est-elle suffisamment libérée ? L’arsenal juridique mis en place pour les défendre contre le harcèlement  est-il  adapté à des situations beaucoup plus retorses qu’il n’y paraît et qui profitent encore largement aux hommes ? Il faut y remédier au plus vite dans un souci de justice et d’égalité dont nous sommes encore à des années-lumières.  Trop d’exemples me viennent à l’esprit pour que je les énumère tous. Je me bornerai à en citer trois.

Le premier concerne l’homme qui incite, souvent insidieusement, sa compagne à consulter un psychiatre ou un psychanalyste, l’amenant ainsi à douter  de son intégrité psychique. Une stratégie  habile pour asseoir son pouvoir sur elle, voire pour s’en débarrasser, car chacun sait que les psys ne lâchent pas souvent leur proie, certains prétendant même que toute forme de sexualité est harcelante et ne se gênant pas pour mettre des théories fumeuses au profit de leur libido. L’époux ou l’amant qui use de moyens aussi perfides pour assujettir un être d’une sensibilité si délicate ne mériterait-il  pas d’être lui aussi poursuivi par la justice ?

Deuxième exemple. Toutes les femmes savent d’expérience qu’elles ont été soumises à un chantage odieux du genre :  si tu ne veux pas te donner à moi c’est parce que je suis noir, arabe, juif, infirme ou déclassé socialement, leur a laissé entendre le vil séducteur. Jouant sur une corde sensible, celle de la culpabilité, elles se sont parfois laissées  entraîner dans des relations tortueuses où la prétendue victime devenait leur bourreau. Avec l’afflux de migrants, il serait temps d’aborder ce sujet tabou et d’envisager un délit de mendicité sexuelle.

Troisième exemple. Les adolescentes par manque d’expérience, malice ou curiosité malsaine, sont des proies faciles pour des prédateurs qui ont l’âge de leur père. Certes, les pédophiles sont à juste titre punis, mais qu’en est- il des vieux beaux qui attendent, tels des vampires assoiffés de sang, que leurs  futures victimes aient atteint la majorité sexuelle ? Certes, il peut y avoir une attirance réciproque, mais le rapport de force est toujours du côté de l’homme. Et c’est bien cela qui est intolérable. Là aussi la justice devrait pouvoir intervenir. Que dis-je  ? Elle le doit. J’ai vu trop de destins brisés de jouvencelles naïves et passionnées pour ne pas m’indigner. D’autant que sur le thème Blanches colombes et vilains messieurs, le cinéma n’a cessé de faire une propagande éhontée pour des rapports entre de pures jeunes filles et de vieux baroudeurs. Peut-on laisser les choses en l’état quand, comme le Président Macron, on met la cause des femmes au centre de nos préoccupations ? Qu’un vieux porc comme Donald Trump dirige les États-Unis en dit long  sur les combats que nous avons à mener.

Ne tardons pas  !

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LANZMANN, LACAN, LIFTON …

À L’Écume des Pages, librairie qui jouxte le café de Flore, je rencontre Claude Lanzmann. Je saisis l’occasion pour lui demander s’il avait lu en son temps l’ouvrage, à mes yeux décisif, de Robert Jay Lifton, sur les médecins nazis. Il me répond : « Non. Je n’avais pas le temps de tout lire. »

Lacan, lui, avait rencontré Lifton en 1975 et lui avait d’emblée dit : « Je suis liftonien« . Il connaissait les travaux de ce psychiatre américain sur les meurtres de masse et l’enquête qu’il avait menée sur ceux qui en furent à la fois la caution et les exécutants, à savoir les médecins allemands.

Leur rôle dans les camps ne se bornait pas à des expérimentations sur les détenus utilisés comme cobayes. Non, c’était à eux qu’il revenait de procéder, le long des quais, lors de l’arrivée des Juifs, à la sélection, triant ceux qu’ils enverraient directement vers les chambres à gaz.

« Comment ces médecins sont-ils devenus des meurtriers ?« , s’est demandé Robert Jay Lifton. Et, sous couvert d’une recherche en psychopathologie, patronnée par l’Institut Max Plank, il a rencontré ses collègues allemands et les a fait parler, passant au minimum quatre heures avec eux et, parfois, plusieurs journées.

Le meurtre médicalisé dans les camps fut une aubaine pour les dirigeants nazis : il permit de remédier aux graves problèmes psychologiques dont étaient victimes les soldats des Einsaztgruppen qui, jusque là, et notamment en Europe de l’Est, tiraient sur les Juifs à bout portant. Beaucoup se suicidaient ou devenaient fous. À l’automne 1941, un des principaux généraux des Einsatzgruppen, Erich von dem Bach-Zelewski, sidéra Himmler en lui déclarant après qu’ils eurent assisté à l’exécution d’une centaine de Juifs : « Regardez les yeux des hommes de ce commando ! Ils sont foutus pour le reste de leur vie. Quel genre de disciples sommes-nous en train de former ? Des névrosés ou des sauvages ! »

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Dès lors, c’est aux médecins – pas nécessairement nazis ou antisémites – que fut confiée la tâche d’exterminer – au nom de la santé du peuple allemand – les appendices gangréneux  de « la seule race vraiment créatrice de culture », comme disait Hitler. Le meurtre de masse devint un impératif catégorique.

On oublie trop facilement que l’État nazi était une « biocratie » ayant pour fin la purification et le salut de la race aryenne. Les généticiens, les anthropologues et les théoriciens du racisme en furent les grands prêtres et les médecins les exécutants.

« Nous pouvons dire, écrit Lifton, que le médecin qui attendait sur le quai était une espèce de point oméga, un portier mythique entre le monde des morts et celui des vivants, une synthèse finale de la vision nazie de la thérapie à travers le meurtre collectif. » Ce que corrobore cette remarque d’un rescapé : « Auschwitz ressemblait à une opération médicale : le programme d’extermination était dirigé du début jusqu’à la fin par des médecins. »
En 1986, j’ai eu le privilège d’éditer le livre d’un psychanalyste américain, Stuart Schneiderman, qui relate la rencontre entre Robert Jay Lifton et Jacques Lacan. Sur un mode plus comique, il parle également de la soirée que passèrent ensemble Lacan et Roman Polanski dans un grand restaurant parisien. On comprend mieux, après l’avoir lu, la fâcheuse réputation qu’avait Lacan d’être terriblement grossier en public. Le livre de Schneiderman s’intitule Jacques Lacan, maître Zen ? Il est introuvable, tout comme celui de Robert Jay Lifton. Si cette chronique permettait à deux ou trois vrais lecteurs d’en prendre connaissance, elle n’aurait pas été vaine.

Un dernier point assez troublant et souvent passé sous silence : la très forte hostilité des Français vis-à-vis de l’armée américaine qui les avait libérés de l’Occupation nazie. Stuart Schneiderman qui a vécu en France et a été analysé par Lacan, a tenté de comprendre ce changement d’attitude. Il note également que Lacan, en s’opposant à la psychanalyse américaine, collait parfaitement à la ligne politique française de l’époque.

 

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BIKINI CONTRE BURKINI …

Les filles vont-elles encore dans les piscines pour s’exhiber et les garçons pour être éblouis par leur beauté ? De moins en moins. L’ambiance frivole et érotique qui y régnait s’est dissipée comme par désenchantement. Le Sida dans les années 80, Internet et islamisme par la suite ont mis un terme à la parenthèse magique des années soixante où d’adorables nymphes bronzaient en lisant Les Cahiers du Cinéma et où il était possible de les aborder en leur demandant ce qu’elles pensaient de Lord Henry dans Le portrait de Dorian Gray. Elles veillaient à ne pas passer inaperçues, ni incultes.

Burkinisation des esprits

Nous assistons aujourd’hui à une burkinisation des esprits pire encore que celle des corps. Ne pas se faire remarquer, telle semble être la règle. Aussi bien en politique que sur les plages. La liberté est encore là, mais on s’en détourne, comme si chacun aspirait à un univers réglementé – et les règlements s’affichent de plus en plus insolemment à l’entrée des piscines – voire à un goulag mou. Le bikini, symbole de liberté pour les femmes, devient presque indécent. Et la drague si commune autrefois sur les plages s’apparente à du harcèlement sexuel. Les hommes veillent à ne pas apparaître comme des prédateurs et les femmes comme des proies faciles. Mieux vaut se dissimuler sur un réseau social spécialisé dans les rencontres ou se laisser aller dans des beuveries.

Princesses saoudiennes en bikini

Je me souviens de princesses saoudiennes en bikini à Ryad et d’étudiantes en mini-jupe à Téhéran : l’idée de porter un burkini ne leur aurait pas traversé l’esprit. L’islam n’est pas seul en cause dans cette course à l’esclavage. Ce qui s’est produit à l’aube du XXI siècle, personne n’est en mesure d’en décerner les causes. Mais les piscines et  les plages sont des lieux idéaux pour observer ces mutations. La liberté absolue qui y régnait et qui en faisait tout l’attrait ont laissé place à une anesthésie générale. Le regard lui-même est devenu chaste : admirer la perfection du corps d’un adolescent ou d’une adolescente crée un malaise. Le narcissisme régresse : le boudin n’a plus honte d’être un boudin. Le raffinement érotique appartient à une ère révolue.

La piscine Deligny ne reviendra plus

Le burkini ne signifie pas seulement que l’islamisation gagne du terrain, mais que la grâce féminine s’estompe. Le même phénomène s’observe au cinéma. Il semble irréversible. Il y a certes encore des exceptions et des combats d’arrière-garde. Mais l’époque où des jeunes filles graciles plongeaient nues dans la piscine Deligny, ne reviendra plus. D’ailleurs, elle aussi a coulé dans la Seine à la fin du vingtième siècle, emportant avec elle beaucoup du glamour parisien et un peu du souffle libertaire qui nous animait.

 

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Soumission et dépression

Ne nous reste plus maintenant qu’à nous comporter en enfants sages, en adultes précautionneux et à feindre une joie factice. Le prix à payer sera soit l’asservissement à une religion qui nous est étrangère et ne veut pas nécessairement notre bien, soit une dépression généralisée. Et plus vraisemblablement encore les deux ensemble !

MIKE TYSON, LE GÉNIE DU MAL ?

Mike Tyson, l’ancien champion du monde des poids lourds -50 victoires sur 58 combats, dont 44 par KO -, le cocaïnomane et l’alcoolique, la brute condamnée pour viol, mais aussi le soutien inconditionnel de Donald Trump, comment en est-il arrivé là ?

Et d’abord que lui reprochait on ? De frapper sa femme, l’actrice Robin Givens,  certes. Banal dans le milieu de la boxe. D’en harceler d’autres ? Encore plus banal ? Les trois cents millions de dollars acquis à coups de poing ? Pas vraiment. Non, ce qu’on ne lui pardonnait pas, c’était son cynisme : on ne se moque pas impunément des vieux boxeurs noirs qui consacrent leurs dernières forces à lutter contre la délinquance juvénile ou l’apartheid. Il incarnait une forme de génie du mal, promenant ostensiblement son dégoût de tout, aussi bien de la boxe, que des autres et de lui-même.

Ce qu’on lui pardonnait encore moins, c’est d’avoir violé une jeune Noire – ce qu’il a toujours nié – candidate à un concours de beauté dont il présidait le jury, viol qui lui vaudra six ans dans un pénitencier. Sans oublier ce combat mythique au cours duquel il a arraché avec ses dents l’oreille de son adversaire Evander Holyfield.

Personne n’a compris que ce bad boy,  » Kid Dynamite « , comme le surnommait son mentor et père adoptif Cus d’Amato, converti à l’islam en prison, ait pris le parti de Donald Trump contre Madame Clinton. C’est oublier que Trump a toujours défendu et soutenu financièrement Mike Tyson, y compris lors de son procès pour viol, sans doute truqué. Car comment imaginer qu’une donzelle n’ignorant rien de la brutalité de Tyson – six plaintes avaient déjà été déposées contre lui pour harcèlement sexuel – l’ait suivi en toute naïveté dans la chambre 606 de l’hôtel Canterburry à Indianapolis. Ce qu’il a expié pendant des années dans le pénitencier d’Indianapolis, c’est moins un viol douteux que l’image terrifiante qu’on projetait sur lui.

Et maintenant, après avoir passé le cap de la cinquantaine, Mike Tyson reconnaît que sa vie a été un énorme gâchis. Il veut tourner la page de son passé, y compris celle de la boxe :  » Les gens respectent le combattant, ce que j’ai accompli sur le ring. Mais moi j’aimerais que ce gars-là soit mort, qu’il n’ait jamais existé. «  Paradoxalement, il estime avoir été victime de sa sensibilité. Il a raconté sa vie dans deux livres, La vérité et rien d’autre et Iron Ambition  : My Life with Cus d’Amato (juin 2017). Il évoque, plus de trente après sa mort, Cus d’Amato celui qui l’a découvert et élevé quand il n’avait que treize ans. Mais Cus mourra d’une pneumonie quelques mois après les débuts fulgurants de  » Kid Dynamite « .

Il parle également de sa colombophilie. « Avant Gus, ce sont les pigeons qui m’ont sauvé la vie. Un type, raconte-t-il, a volé un de mes oiseaux et quand je lui ai demandé de me le rendre, il l’a sorti de son manteau, lui a tordu le cou et a frotté son sang sur moi, laissant une tache indélébile dans l’âme de l’enfant. Elle ne sera pas la seule, mais aucune ne laissera une trace aussi profonde, même pas ses tentatives de suicide ou un viol  subi dans son enfance. Une colombe peut-elle décider du destin d’un homme ? Mike Tyson se pose encore la question – insoluble bien sûr.