J’aime bien cette idée de Jean-Claude Carrière : l’utopie s’est clochardisée. « Forget 68« , dirait Cohn-Bendit. Parfois, pourtant, un guitariste au coin d’une rue conserve dans son regard, dans sa voix, dans ses ongles noirs une parcelle des rêves perdus d’une génération. Il tend la main, mais rares sont ceux qui s’arrêtent et plus rares encore ceux qui donnent. Pourquoi donneraient-ils d’ailleurs, persuadés qu’ils sont qu’on ne les reprendra plus la main dans le sac aux utopies. Déjà qu’ils ne supportent pas ces ces vagues de migrants qui déferlent sur une Europe en miettes, ni ces Roms qui jouent aux miséreux en les narguant et en leur piquant leurs Smartphones… Non, Mai 68 les a vaccinés : chacun sait maintenant qu’un hasard médiocre commande nos vies et que courir après des utopies porte la poisse. Après tout, la médiocrité assumée est moins assommante que le pathos du génie méconnu. Et avec le Grand Remplacement qui se profile à l’horizon, soyons sur nos gardes. Un seul mot d’ordre : méfiance.
Mai 68 – Gilles Caron
Mai 68 nous a guéris de la croyance aux miracles : certains se sont retranchés dans la folie comme mon ami Robert Linhart auquel sa fille, Virginie, a consacré un livre touchant (elle note au passage que ceux qui ont choisi Lacan comme Jacques-Alain Miller s’en sont mieux sortis que ceux qui ont choisi Althusser). D’autres ont opté pour un cynisme désabusé comme Raphaël Sorin. Enfin il y a ceux, comme François Bott – et tant d’autres – qui n’en finissent pas de rêver qu’ils ont fait l’amour avec l’Histoire -quitte à être cocus.
Personnellement, je n’ai vu en 68 qu’une aimable et folklorique surprise-partie, sans commune mesure avec ce qu’avait été la Guerre d’Algérie. Et je songe parfois à Marcel Jouhandeau apostrophant les étudiants à la Sorbonne par ces mots : « Demain, vous serez tous des notaires ! » Ils le sont devenus et ont donné à leurs petits-fils les livres publiés par les éditions Maspero. Ces derniers se sont empressés de les mettre à la poubelle. Oui, le sac aux utopies est dans un sale état et il faut beaucoup de mauvaise foi pour imaginer que la libération sexuelle s’y trouvait. La génération « Salut les copains » avait déjà fait le boulot. Et Brigitte Bardot avait quelques longueurs d’avance.
Je me souviens encore des nuits passées avec Robert Linhart et Jacques-Alain Miller à débattre, pendant que tourne un vieux magnétophone, de politique internationale en vue de nous préparer à nos succès futurs. Nous avions à peine vingt ans alors. Et je n’étais pas peu fier d’avoir publié le premier article de Robert dans Le Peuple : il traitait de la guerre du Vietnam à travers le livre de Jules Roy sur Dien Bien Phu. Nous dansions aussi la bamba au Bar des Alpes, à Verbier. Et Robert se livrait à des exercices de misogynie des plus jouissifs : il demandait à des pécores si elles étaient capables de faire un syllogisme. Le résultat était toujours navrant. Mais ce qui me semblait encore plus navrant, c’est lorsqu’ une bande de normaliens, toujours à Verbier, station chic par excellence, se retirait dans un chalet comme une bande de comploteurs pour écouter avec ferveur Radio Tirana et applaudir aux analyses politique d’Enver Hodja.
S’il y a un miracle, c’est celui de la transformation de la vie en passé. Tout ce qui a été et qui ne sera plus. Et qui occupe de plus en plus de place dans nos mémoires en reléguant les faits au magasin des accessoires au profit d’une mythologie plus flatteuse. C’est sans doute ce qui me pousse à lire La Conférence de Nîmes de Jacques-Alain Miller. Je suis bluffé par son agilité intellectuelle tout comme je l’étais il y a un demi-siècle. Avec le sentiment d’avoir pour ma part épuisé mon capital de créativité, alors que lui… Et Robert, prisonnier de son mutisme, qu’en pense-t-il ? Je le tenais pour un génie. Quel mauvais démon l’a poussé chez Renault pour devenir, selon son expression , « un homme-chaîne » ? J’ose espérer que ce n’est quand même pas Radio Tirana !
Je ne peux plus dire le mot « Moi » sans rougir de honte.
Je ne sais pas d’où vient cette haine de soi que je ressens. Elle peut avoir plusieurs sources. Je m’en veux de ne pas avoir été au bout de ma pensée. Avec chacun de mes livres, je n’ai fait que reculer l’heure de mon suicide.
*
Tout ce que j’écris, je l’écris dans des moments de désespoir. Surtout au milieu de la nuit. La nuit, tout cesse d’exister. Il n’y a plus rien, à part vous, le silence et la nuit. On est aussi seul que Dieu peut l’être.
Paradoxalement, sans cette idée du suicide, je me serais certainement tué. C’ est la clé qui ouvre mon âme. Depuis mon enfance, j’ai vécu tous les jours avec l’idée de la mort. Mon suicide était mon impératif catégorique. Et puis peu à peu, cette idée a perdu en intensité. Je me suis dit : « Tu es le maître de ta vie : tu peux te tuer quand tu veux. » Cela m’a aidé à supporter cette idée fixe. Mais elle ne m’a jamais quitté.
*
Évidement, je ne suis pas un homme très actif. La nature ne m’a pas donné une volonté de fer. Autrement, il y a longtemps que je me serais suicidé. À vrai dire, je suis d’une passivité extrême. Et j’ai peur de toute initiative. Chaque initiative me rend malade. La seule que j’ai, c’est une capacité extrême à dire « non » ou à me défiler. J’aurais aimé être une pierre ou, à défaut, un animal.
Suis-je réactionnaire ? Peut-être par une nostalgie de la barbarie. Ce que j’ai de plus ancré en moi, c’est une négation absolue. On m’a reproché d’avoir été proche des fascistes dans ma jeunesse, mais ce ne sont pas leurs idées qui m’intéressaient, mais leur exaltation. J’étais totalement différent d’eux, mais leur pathologie me fascinait. Me fascinaient tout autant les Juifs. C’était l’autre part de ma nature. J’étais le seul non-juif à participer au Congrès Mondial juif à Bucarest.
Tout ce qui est extrême dans l’existence a exercé sur moi une fascination sans borne. Un temps, ce fut le marxisme. Je l’ai vite délaissé : trop systématique, trop sérieux, trop dogmatique et sans humour.
Ma vision était toujours esthétique et pas politique du tout. Les Allemands n’avaient aucun sens de la nuance, ni du doute. C’est ce qui les a plongés dans une tragédie inouïe. Mais ça vaut toujours mieux que les Français qui sont irrémédiablement provinciaux.
Il est vrai que la question de Berlin est actuellement au centre des préoccupations des « grands » de ce monde et qu’elle menace dangereusement la paix mondiale. Mais après les discours violents, après les plans successivement repoussés, après (peut-être) quelques modifications mineures apportées au fond du problème, on en reviendra à un arrangement tacite et non définitif, une mise en veilleuse plus ou moins concertée, un « modus vivendi » pacifique et acceptable. Du moins dans cette partie du monde…
Car ailleurs, une autre question pourra surgir. Nous en avons l’habitude. Après Berlin, c’est le Moyen-Orient ; après le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient ; puis l ’Afrique ; puis Cuba ; et l’on recommence le cycle avec de temps à autre certaines périodes de tension sur un objet inattendu.
La paix du monde, en définitive, ne s’en porte pas plus mal, mais dans la guerre froide qui se joue, à travers l’échange des communiqués et mémoranda, par delà les coups de la propagande, il est parfois difficile de discerner les vrais problèmes, ceux qui devraient toucher l’humanité en tout premier lieu. C’est ainsi qu’à Cuba, une expérience est en cours. Elle devrait intéresser tous les pays d’Amérique, tous les pays sous-développés, tous les socialistes et peut-être même tous les communistes. Mais qu’en savons-nous ?
Un Canadien au service de «Che »Guevarra
Dans les salles de rédaction du monde entier, les agences de presse déversent des milliers de dépêches sur les différends politiques entre Cuba et les Etats-Unis ou sur les menaces d’in tervention de l’URSS et restent silencieuses sur les problèmes humains qui se posent à Cuba. L’opinion publique internationale en est forcément ignorante, et c’est le paradoxe de notre siècle. Dans un monde qui s’est rétréci par l’ampleur et la rapidité du réseau de communications, il arrive que l’homme n’en connaisse pas plus qu’au siècle dernier sur ce qui se passe en dehors de sa cité, en dehors de son église.
Ainsi en est-il de la question cubaine.
Le hasard nous a fait rencontrer George Schoeters. Il arrivait de Cuba et a d’emblée accepté de nous parler de la révolution cubaine et du fidélisme. Son témoignage est d’autant plus intéressant qu’il a travaillé deux ans à l’Institut national de la réforme agraire sous la direction du grand économiste (et spécialiste de la « planification») qu’est «Che» Guevarra.
Premières constatations
Ce que George Schoeters remarque d’abord, c’est que sans planification l’Amérique latine est vouée au sous-développement perpétuel. En effet, en s’en remettant à l’anarchie du libéralisme économique, il ne faudrait pas moins de 287 ans pour que le Latino-Américain puisse atteindre le tiers du niveau de vie de l’Américain du Nord. Le monde — et en particulier l’Europe — méconnaît ces nécessités.
Une confusion hostile
Il convient ici de rendre hommage à une minorité intellectuelle qui, aux États-Unis, a pris conscience de ce qu’était réellement la révolution cubaine. C’est Herbert Matthews du New-York Times qui, parlant un jour aux membres de l’Association des éditeurs de journaux américains, déclarait : « Je n’ai jamais vu une histoire aussi mal comprise que celle de Cuba. »
Dès le début du XXème siècle, Cuba était destiné, dans l’esprit des Américains, à devenir un jour un État de l’Union. Des théoriciens politiques avançaient que, comme en physique, une certaine gravitation attirait nécessairement un petit pays vers un grand tout proche. Pour les Américains du Nord, la situation était pour le moins commode. Car Cuba est, sur le plan géographique, une protection naturelle du canal de Panama, du golfe du Mexique et des débouchés du Texas sur l’Atlantique. Tenir l’île bien en mains, tout en laissant au gouvernement de La Havane l’illusion de l’indépendance était naturellement un succès pour le Département d’État de Washington. Cela devait se passer sans tapage inopportun, à l’abri de la doctrine de Monroe, et il fallait l’imprudence de James Quinn, qui écrivit en 1928 Notre Colonie, ouvrage destiné à dévoiler tout l’empire des États-Unis sur Cuba.
Les Américains s’en montraient satisfaits. S’il en était de même pour les Cubains ? Affaire à suivre.
L’accusé ressemble à Clark Gable : trapu, bronzé, moustachu, solide et en bonne santé, des cheveux lisses tirés en arrière.
En fait, Ernest S., ancien gendarme, nous vient d’Autriche. Il s’est également occupé d’un commerce de photographie à Vienne. Ce n’est qu’en 1956 qu’il gagne la Suisse avec sa femme. Il s’installe à Lausanne et entreprend de travailler dans un garage. Il est capable et travailleur. Il sera bientôt nommé chef réceptionniste, avec un salaire de 950 fr. par mois.
Ernest S. a toujours donné satisfaction dans son travail ; mais on le dit étourdi et insouciant, dépensier aussi.
Voitures d’occasion
Comment se fait-il que cet ancien gendarme, apparemment honnête, m rié et père de deux enfants, se trouve aujourd’hui inculpé d’escroquerie par le Tribunal correctionnel de Lausanne ?
La réponse dans le cas précis n’est pas trop compliquée : Ernest S. n’avait aucun sens des affaires et, pourtant, il voulait gagner de l’argent. Gagner plus que sa paie mensuelle qui lui suffisait à peine. Employé dans un garage, il n’ignorait pas les «mirobolants bénéfices» que l’on peut réaliser sur la vente de voitures d’occasion. D’autres y réussissaient sans peine. Pourquoi pas lui ?
Il entreprit alors de demander des avances à des habitants de son quartier ou à des clients de son garage en leur faisant miroiter de jolies som mes gagnées sans difficultés. Il jouait le rôle d’intermédiaire. Alléchés par l’appât d’un gain facile, les connais sances d’Ernest S. lui prêtèrent ce dont il avait besoin. Parfois elles furent remboursées. Le plus souvent, l’argent disparaissait sans laisser de traces : 52 100 fr. ont été ainsi escroqués.
27 apéritifs par jour
Ernest S. a spontanément tout avoué. Sa situation financière allait en empirant. Sa femme était souffrante. Il avait lui-même pris goût à une vie plus luxueuse. Ne raconte-t-il pas qu’il dépensait près de 1000 francs d’argent de poche par mois ?… Il s’était, en outre, mis à boire : 27 apéritifs par jour, paraît-il. Maintenant, Ernest S. n’a plus un centime, plus rien. Si l’on ajoute qu’il a été lui-même victime d’un filou dans l’une de ces « fameuses affaires», on aura dit l’essentiel.
Le moins qu’on puisse dire
Le tribunal est présidé par Pierre Gilliéron, assisté des juges Ethenoz et Genton. Les plaignants — nombreux — n’étant pas présents (à l’exception d’un seul) l’audience sera brève. Le président interroge :
— C’est exact que vous aviez commencé à boire ?
— Oui, mais pas 27 apéritifs par jour.
— Chaque fois que vous aviez fait une affaire à perte, vous étiez obligé de recommencer : c’était un cercle vicieux…
— Oui, j’étais perdu… j’étais dans une situation financière abominable… alors je me suis lancé dans cette « c… »
— C’est bien le moins que l’on puisse dire…
Un mauvais souvenir
Ernest S. assure lui même sa dé fense. L’avocat d’office ne lui convenait pas. Quant à celui qu’il s’était choisi, il demandait des honoraires exorbitants. Le président lui demande:
— Qu’avez-vous à ajouter pour votre défense ?
— Je regrette tout cela. Je ferai mon possible pour tout rembourser… Il dit vrai. Chaque fois qu’il l’a pu, il s’est efforcé de rendre une partie de l’argent emprunté, mais emporté dans un tourbillon de dettes, mal conseillé, il a suivi une spirale fatale.
Ce que demain sera pour lui, nous ne le savons pas. Mais nous ne pensons pas qu’il soit un homme à accabler. Il pourrait, si les circonstances lui sont favorables, terminer sa vie comme il l’a commencée : fort honnêtement. L’épisode de Lausanne ne sera peut-être, un jour, plus qu’un mauvais souvenir…
Au terme du procès
L’accusé, Ernest S., est condamné à deux ans de réclusion, déduction faite de 119 jours de préventive, pour escro querie et abus de confiance.
Il est également expulsé de Suisse pour dix ans.
Ce jugement est des plus sévères. Peut-être parce qu’Ernest S. est d’origine étrangère.
De toute manière, je crois qu’il était inutile de l’«assommer ». Il aura bien de la peine à s’en remettre…
Décidément, le rock s’est bien calmé. En 1960, à Paris, lorsqu’arrivaient sur la scène du Palais des Sports Gene Vincent, les Chats Sauvages ou les Chaussettes Noires, près de deux cent policiers étaient prêts à intervenir. Pas un seul des trois mille assistants ne portait une cravate. Blousons noirs et bottes. Cris d’hystérie, hurlements rauques, violence qui atteignait graduellement une espèce de paroxysme toujours dépassé, heurts avec le service d’ordre, vedettes blessées par des bouteilles de bière voltigeantes, ces bacchanales géantes portaient en elles l’électricité d’une révolution avortée.
De tout cela, il ne reste rien aujourd’hui. Le style « yé-yé » est devenu bon enfant. Il s’est laissé apprivoiser. Des adultes le contrôlent et s’en servent pour des opérations commerciales, politiques et morales qui ne les honorent guère. Il y a tromperie. Mystification.
D’où le succès du nouveau style auprès de la classe sociale la plus aliénée : la classe moyenne. Le rock, de prolétaire qu’il était, est devenu petit-bourgeois. Il n’effraie plus ; il divertit gentiment. Il berce d’illusions tragiques les rêveries sentimentales de millions de petites dactylos et de petits employés. Il a perdu toute puissance. Il est à l’image de l’androgyne Claude François : émasculé et cabotin.
Mais où sont les neiges d’antan ?
L’autre soir, des centaines de garçons et de filles, bien pomponnés pour l’occasion et tristement insignifiants battaient sagement des mains et reprenaient en choeur les « la-la-la » désormais classiques du répertoire.
Nous ne dirons rien de Claude François, sinon qu’il nous a déçu. Il vit sur sa réputation. Attention ! La publicité a ses limites ! Quant à Michèle Torr, qui joue péniblement à Sylvie Vartan, une étoile ? Non, un météore !
Il y eut certes beaucoup de bruit. Nous aurions préféré plus de fureur.
François Roustang nous a quittés à l’âge de 93 ans. Nous souhaitons la paix à son âme désormais libre et soulagée du poids de l’existence, dont il avait la conscience la plus aigüe et la plus légère.
Cet entretien m’a été accordé en décembre 1986 pour Le Monde des Livres.
RJ – Difficile de s’éloigner de Jacques Lacan pour un psychanalyste. Votre dernier livre avait pour figure centrale le charmant Giacomo Casanova. Vous m’annonciez un essai sur le cardinal de Retz. Et voici que vous revenez à Lacan.
FR – Ce livre résulte d’une commande. J’ai fait un cours sur Lacan deux années de suite à l’université John Hopkins de Baltimore; il s’est ensuivi une certaine insistance pour que j’écrive un livre, qui devrait êt publié à Oxford Press de New-York. Car Lacan a du succès aux Etats-Unis, très peu auprès des psychanalystes, beaucoup plus dans les départements de littérature des universités.
Pour ceux qui se meuvent au sein du domaine très réservé de la critique littéraire, cela fait bien de se référer à Foucault, à Derrida ou à Lacan. Même s’ils sont réduits à quelques mots ou quelques slogans, ils donnent aux marchandises qui circulent une incontestable plus-value. Mais il existe aussi, là-bas, des universitaires moins complaisants qui exigent de savoir de quoi ces grands hommes parlent et ce que l’on peut en tirer. C’est pour avoir rencontré des professeurs et des étudiants de ce second type que j’ai dû répondre à des questions élémentaires, les seules redoutables probablement, et donc lire Lacan en le suivant pas à pas.
RJ – Vous faites allusion à des travaux antérieurs ou à des projets.
FR – C’est toujours la même chose qui m’intéresse : inventer pour chaque auteur une méthode de lecture qui réponde à son style. Pour lire Lacan, il faut parcourir de grands espaces et se laisser emporter par le mouvement qui parcourt une conférence ou un séminaire. Dans un second temps, imprégné de son discours, il faut se demander où il nous a conduit et ce qu’il a voulu nous laisser entendre. Enfin, il faut reprendre la lecture encore une fois en vue de découvrir comment il s’y est pris pour suggérer ce que l’on ne trouve jamais explicitement dans le texte. On s’aperçoit alors que l’ensemble ne tient que par des enchevêtrements d’équivoques, de confusions ou de fausses liaisons. Je ne souhaite pas recommencer cette expérience éprouvante, car le risque est grand d’y perdre l’esprit.
RJ – À propos de l’influence de Lacan, y aurait-il, aujourd’hui encore, une hypnose collective à lever ?
FR – L’effet Lacan est, sans conteste, lié au caractère oral de son discours. Ceux qui sont familiers de la pratique de l’hypnose et qui ont eu l’occasion de revoir ses quelques prestations enregistrées sur cassettes vidéo, ont pu constater qu’il était passé maître dans l’usage de toutes les techniques hypnotiques. L’action de ce personnage hors du commun ne serait pas intelligible si elle était passée d’abord par l’écrit. Sa présence était nécessaire à son influence. La psychanalyse, grâce à l’appui qu’elle prend sur le transfert, a permis que s’amplifie ce phénomène hypnotique. Désormais, une mini-société s’y trouve enfermée, et je ne vois pas que puisse être levée cette emprise collective par des démonstrations si pertinentes qu’elles puissent être. Ce petit monde est sorti des limites de l’intelligence.
Pour hypnotiser il n’est pas nécessaire d’endormir physiquement, il suffit de placer l’interlocuteur dans une attente infinie et indéterminée, et de réussir à fixer son attention sur un objet unique ou un personnage unique. Lacan a su jouer de l’un et l’autre avec maestria : il a toujours laissé en suspens ses affirmations, et bien plus encore ses conclusions; il a réussi à faire croire qu’il rassemblait en lui toute la culture.
RJ – Vous insistez sur un point : Lacan a voulu faire de la psychanalyse une science, mais en même temps il la présentait comme un délire scientifique…
FR – Le modèle de psychisme humain que Lacan a proposé tout au long de son enseignement est celui du psychotique. Il est passé de la psychiatrie à la psychanalyse en emportant le fou avec lui. Ce qui lui a permis de mettre en pleine lumière un aspect spécifique de la psychanalyse, qui n’use pas du langage courant de la communication et qui ne s’intéresse pas à la réalité extérieure ou sociale, mais qui fait exister, comme pour lui-même, le monde des fantasmes, des rêves et des désirs, par la pratique d’un langage non intentionnel. Donc un langage qui, devant rendre compte de l' » autre scène « , en vient à se rendre proche du délire. C’est là un acquis historique de Lacan. Il a comme rendu la psychanalyse à sa particularité. Mais, si l’on en reste là, surtout si la théorie veut mimer cette forme de langage, il n’y a plus aucune limite qui puisse être imposée par la raison ou par la réalité. Le système tout entier bascule dans la folie. Et c’est pourquoi Lacan, toujours lucide, a pu donner à la psychanalyse, en vérité à sa tentative, le titre de délire scientifique.
RJ – Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par principe d’incohérence ?
FR – Incontestablement, l’œuvre de Lacan a son unité interne. Mais puisqu’elle est tout entière tissée de confusions, je me suis demandé sur quoi pouvait bien reposer cette unité. J’en ai conclu que son principe d’unité ne pouvait être que l’incohérence systématisée, voulue, cultivée avec une constance et une inventivité exceptionnelles.
Ce principe m’a paru ensuite s’appuyer sur deux règles : l’équivoque et l’unilatéralité. De l’équivoque j’ai donné de multiples exemples. Entre autres, celle du symbolique qui est à la fois celui que l’on peut rencontrer en algèbre et celui qui intéresse les ethnologues ou les sociologues. Les deux sens du mot n’ont rien à voir, mais Lacan a besoin de passer de l’un à l’autre pour faire tenir son discours. L’unilatéralité est une autre règle. Par exemple, le terme d’aliénation est abondamment utilisé, mais en oubliant que, pour Hegel, auquel il est fait référence, il n’y a pas d’aliénation sans appropriation. Oubli nécessaire pour que le sujet humain puisse apparaître totalement aliéné au langage. Mais oubli catastrophique, car on ne voit plus du tout comment il serait possible à un individu en analyse de faire quelque chose de sa névrose s’il ne s’approprie pas ce langage pour en faire son « propre ». Or, cette notion du « propre », que Heidegger, autre philosophe souvent cité, n’a pas négligée, est remarquablement absente du corpus lacanien.
RJ – L’envoûtement provoqué par la psychanalyse dans les années 60 et 70 a cédé la place à une indifférence ironique. Par votre travail démystificateur, vous avez contribué à scier la branche sur laquelle vous êtes assis. Et maintenant ?
FR – Pensez-vous que la psychanalyse, comme les autres disciplines d’ailleurs, soit de quelque manière menacée si elle vient à porter sur elle-même un regard critique ? C’est bien au contraire la limitation du questionnement qui conduit à la sclérose et à l’infatuation. S’il est vrai que la psychanalyse n’a plus, dans la culture, la position dominante qu’elle pouvait occuper il y a vingt ans, cela n’est peut-être pas à déplorer. Elle va probablement être obligée de reconsidérer quelques certitudes et de reposer des questions qu’elle prétend avoir résolues ou dépassées.
Par exemple, rien de moins clair que le rapport de la théorie et de la pratique. A la suite de Lacan, certains ont voulu appliquer sa théorie à la pratique : au mieux le patient échappe à la théorie, même si le psychanalyste s’obstine à ne retenir que ce qui justifie sa thèse ; au pis le patient devient psychotique, il devient une production de ce qui est pensé par l’autre. La théorie ne peut être que la création de mythes provisoires ; la pratique l’utilise comme repère, mais elle est sans cesse amenée à la déborder, à la rendre caduque et à la réinventer.
De même l’aspect d’initiation au monde des rêves, des fantasmes et des désirs est passé au premier plan, au détriment de l’aspect thérapeutique. La fameuse expression lacanienne de « guérison par surcroît », dont on a dit qu’elle avait eu valeur libératrice en 1950, est devenue, par la suite, le moyen de se désintéresser des résultats et des effets de la cure. Ce n’est plus possible aujourd’hui, car une série d’autres thérapies, parfois inspirées de la psychanalyse, ont fait leur apparition sur le marché. Il ne sera plus possible de les traiter par la condescendance et le mépris : elles ont sans doute à nous apprendre quelque chose ou à nous réapprendre ce que le triomphalisme nous a fait oublier.
Il y a bien d’autres questions que la psychanalyse devra aborder, mais elle ne pourra le faire que si elle se laisse pénétrer par le doute sur elle-même, que si elle ose abandonner les formules toutes faites et retourne à un travail de description patient et limité. Le temps n’est probablement plus aux théories globales qui prétendent pouvoir tout expliquer.
J’avais à peine vingt ans quand mon père est parti pour l’Algérie. Il avait pour mission d’enquêter sur les crimes de guerre commis par l’armée française. Il est demeuré deux ans à Tlemcen et en Kabylie. Il avait connu l’Allemagne d’avant-guerre où il avait échappé à deux attentats. Ce n’était pas le genre d’homme à se faire des illusions sur l’humanité. « Si vous désirez une image de l’avenir, me disait-il comme Orwell, sans jamais se départir de son bon sourire, imaginez une botte piétinant un visage… éternellement ».
Ce qu’il avait vu en Algérie, les témoignages qu’il avait recueillis, les charniers qu’il avait découverts, l’avaient conforté dans l’idée que la mince pellicule de civilisation dont les humanistes pensent qu’elle consistue l’essence de l’humain se dissout illico sous d’autres cieux et dans des circonstances extrêmes. Personne n’est assez riche pour se payer une conscience. On ne peut que patauger dans ce monde, essayant de s’en tirer du mieux qu’on peut.
Mon père flairait d’ailleurs toujours une insolite probité d’esprit chez quiconque s’abstenait de professer des idées généreuses. Il ne jugeait pas plus les soldats français qu’il n’avait jugé les soldats allemands. Il en était arrivé à la conclusion que les hommes ne sont pas faits pour s’aimer. Mais quand il revenait à Lausanne et qu’il me racontait ce qu’il vivait, ce qu’il voyait au quotidien, j’avais de la peine à retenir mes larmes. Et j’éprouvais pour lui, en dépit de la distance qu’il mettait entre nous, une forme d’amour. Je vois avec le temps que bien des choses que j’ai faites avaient pour fin de le rendre fier de moi.
L’a-t-il vraiment été ? Seul le Diable le sait. Mais moi, je sais ce que je dois à ce spinoziste qui m’incitait à tout faire, à tout dire, à tout penser en homme qui peut sortir à l’instant de la vie. Ce qu’il fit, lorsqu’il prit la décision de mettre un terme à une existence dont il se serait volontiers passé.
RJ – Vous-même étiez marxiste et, sous le régime de Schuschnigg, avez fait de la prison…
EF – J’ai commencé à étudier le marxisme très tôt, à l’âge de treize ans. À douze ans, je militais déjà au parti social-démocrate où ma première fonction était d’encaisser les contributions des membres de l’organisation socialiste pour enfants. Dans l’illégalité, je fus responsable d’une circonscription des socialistes révolutionnaires et placé deux fois en détention préventive pendant quatre et huit mois. On ne pouvait rien prouver car je n’avais jamais rien écrit qui aurait pu me compromettre. Mais dans le dossier de police, je fus décrit comme un dangereux leader potentiel. C’est pourquoi la Gestapo m’arrêta en mars 1938. Je ne fus maltraité que dans le camp de concentration.
RJ – Pouvez-vous nous raconter les circonstances dans lesquelles vous avez rencontré Bruno Bettelheim ?
EF – Je fis sa connaissance à Buchenwald, où je venais d’être transféré de Dachau, en septembre 1938 avec d’autres détenus juifs. Nous étions tous alignés, c’était une belle journée d’automne ensoleillée, et nous formions une chaine pour transporter des briques jusqu’à une construction. Nous devions « balancer » les briques, c’est-à-dire les lancer à un autre prisonnier qui se trouvait à environ un mètre et devait les rattraper. Mon voisin portait d’épaisses lunettes et faisait tomber toutes les briques. Cela m’énervait, je commençais à pester contre lui et enfin, je le traitai de « bon à rien ». Il rétorqua: « et toi, tu es bon à quoi ? Moi je suis Bettelheim. » « Et moi Federn. » « Es-tu de la famille de Paul Federn ? » « C’est mon père. » Là-dessus, grande réconciliation et nous sommes devenus amis. Je l’estime énormément en tant que psychothérapeute, malgré nos désaccords sur de nombreux points.
RJ – Vous avez émigré aux États-Unis où vous avez longtemps vécu. Quel jugement portez-vous sur l’évolution de la psychanalyse américaine ?
Il s’est passé exactement ce que Freud avait prévu: elle a été étranglée par la psychiatrie. Freud a toujours insisté sur le fait que non seulement la psychanalyse n’appartient pas à la médecine, mais qu’en plus, il est difficile pour les médecins eux-mêmes de l’apprendre et de la comprendre.
RJ – Le problème des relations entre le marxisme et la psychanalyse n’a pas cessé de vous intéresser. Comment l’envisagez-vous aujourd’hui ?
EF – C’est le marxisme qui m’a conduit à la psychanalyse. Le chemin fut facile à parcourir. Marx peut certes expliquer l’infrastructure socio-économique, mais il ne dit pas comment celle-ci agit sur la superstructure idéologique. À ce sujet, j’ai commencé mes recherches déjà très tôt. Mon activité professionnelle est tout entière dédiée, justement, à étudier, à chercher à comprendre cette relation. Malheureusement, il est difficile de définir clairement ce qu’est le marxisme, beaucoup plus difficile que d’expliquer ce qu’est la psychanalyse. Ce qui est sûr, pour moi, c’est que l’application politique du marxisme a complètement échoué. Et pourtant, on ne peut pas rejeter si facilement le marxisme en tant que méthode sociologique. De la même façon que la psychanalyse, le marxisme suscite des résistances émotives chez ceux dont il contredit les intérêts. Autre point commun: ce sont des sciences qui ne sont vivantes que dans la réalisation pratique. Sur le plan académique, elles se transforment en dogmatismes rigides. Mais peut-on vraiment mélanger la pratique et la théorie jusqu’au degré même exigé par le marxisme et la psychanalyse ? Dans le domaine de la théorie, je pense que ces deux sciences se rejoignent et peut-être se chevauchent-elles sur un certain nombre de points. Je crois, j’espère, que bientôt elles trouveront toutes deux leur place au sein d’une anthropologie commune.
Fils d’un célèbre psychanalyste, Ernest Federn (Vienne, 1914 – 2007) étudie le droit et l’histoire à l’université de Vienne en même temps qu’il milite au sein du parti socialiste. Emprisonné à Dachau et à Buchenwald pour son opposition au régime, il est libéré en 1945. Commence alors sa carrière de psychanalyste formé aux États-Unis par un ami de son père, Herman Nunberg. En 1972 il retourne en Autriche pour collaborer à la réforme du droit pénal et travailler en tant que psychothérapeuthe dans les prisons. Il a publié de nombreux articles sur l’histoire de la psychanalyse et les rapports entre le marxisme et les découvertes de Freud.
L’optimisme désespéré de Freud
RJ – Votre père fut l’un des premiers à traiter des schizophrènes. Pouvez-vous nous parler de lui ? Des relations qu’il entretenait avec Freud ? Du rôle qu’il joua au sein de la société psychanalytique de Vienne ?
EF – Mon père est né à Vienne en 1871. Mon grand-père, Salomon, était l’un des trois premiers médecins juifs libres de pratiquer la médecine après la libéralisation de la monarchie. Il s’opposa à ce que son fils Paul fréquente le Cercle du mercredi de Freud, car il jugeait que cela ne serait pas favorable à sa carrière…
Paul Federn fut le cinquième membre à faire partie du Cercle du mercredi. En 1908 il devint le trésorier de la toute nouvelle société psychanalytique de Vienne et occupa cette fonction jusqu’en 1924. Freud, souffrant d’un cancer, se déchargea alors sur lui de toutes ses obligations professionnelles.
Mon père eut toujours à coeur que des non-médecins puissent recevoir une formation psychanalytique complète et devenir membres de l’Association internationale de psychanalyse. Il se démena beaucoup à cette fin. En 1919 il écrivit la première étude sur l’application de la psychanalyse à l’histoire et à la société: La Société sans père, contribution à la psychologie de la révolution.
RJ – Quelle était l’ambiance sociale et culturelle à Vienne au début de ce siècle ? Freud ne cesse de critiquer ses contemporains et de maudire cette ville qui l’ignorait. Avait-il raison de dire que Vienne était la capitale de l’hypocrisie ?
EF – Le grand psychanalyste Robert Walden disait une fois que l’hypocrisie existe dans tous les pays, mais qu’aux États-Unis seulement on l’écrit avec une majuscule. Accuser Vienne d’une quelconque hypocrisie est injustifié. L’ironie avec laquelle se jugent les Viennois ainsi que leur résignation face à la vie sont autant de qualités qui le prouvent.
Ce qui frappe, chez Freud, c’est sans doute son intégrité inflexible et son refus de tout compromis. Sa maxime, « la morale va de soi », ne lui facilitait certainement pas l’adaptation à la vie des Viennois. Il était, cependant, par-là même, plus Viennois que son biographe Ernest Jones n’a pu le croire. Avec lui, on a vraiment l’impression que Freud a détesté Vienne, ce qui est absurde ! Jones ne comprenait rien à l’atmosphère de Vienne, mais il croyait la connaitre parce qu’il avait épousé une Viennoise. À ce sujet, sa biographie se méprend totalement sur Freud. Si ce dernier se plaignait de ses collègues et des conditions de vie des Viennois, ce n’étaient que des « grogneries », typiquement viennoises.
Quant à l’ambiance culturelle et intellectuelle à Vienne, il faudrait en parler pendant des heures. Disons simplement que c’était l’époque d’un incroyable épanouissement scientifique et artistique. Cependant, comme les Athéniens de l’époque de Périclès, les Viennois ne savaient pas que cette apothéose annonçait 1914.
RJ – Toujours à propos de Freud: comment expliquez-vous qu’il ait été si peu perspicace en matière historique ? Il n’a pas prévu la désintégration de la monarchie des Habsbourg, il s’est désintéressé du mouvement ouvrier et n’a pas mesuré l’étendue de la mouvance nazie…
EF – Cette question ne demande pas vraiment d’explication. Freud ne s’intéressa que lorsqu’il était lycéen aux problèmes politiques et historiques. Dès qu’il se consacra aux sciences, cet intérêt s’évanouit. Son hobby était l’archéologie et il lisait des oeuvres littéraires, où aurait-il trouvé le temps de faire de la politique ?
Nous savons qu’il était très favorable à des réformes sociales, bien que politiquement très libéral. Il avait beaucoup d’amis parmi les socialistes, il lui arriva même de signer un manifeste électoral en faveur des sociaux-démocrates.
Comme tous les autres habitants du pays, il croyait à un dénouement favorable. Freud, en 1937, avait quatre-vingt-un ans, il était déjà très malade, pressentait tellement sa mort prochaine qu’il préférait espérer instinctivement qu’analyser avec précision une situation politique qui, de toutes manières, de l’intéressait pas.
Il m’arrivait parfois d’entrer subrepticement dans la chambre où ma mère dormait encore et de la réveiller par un tonitruant : « Ich bin der Tod ! »
Elle ne m’en tenait pas rigueur, persuadée qu’elle était d’avoir commis un crime impardonnable en me mettant au monde. Elle considérait les mères comme d’immondes salopes, inconscientes du mal dont elles étaient responsables en perpétuant la vie. Par ailleurs, elle exécrait les enfants. Le sien, elle le confiait à mon père, ce qui me soulageait plutôt. Car, avec ses airs de star viennoise sur le déclin, elle m’angoissait plus qu’elle ne me rassurait. Ce que je lisais dans son regard, c’était la peur : le nazisme l’avait vaccinée à jamais contre le bonheur. Et elle partageait avec Thomas Bernhard et la plupart des écrivains autrichiens une forme de cynisme qu’avec l’adolescence j’ai trouvé plus que réjouissant. Elle ne reculait devant rien, se demandant seulement comment elle avait pu être assez sotte pour procréer. C’est le principal héritage que je lui dois.
Une anecdote pour conclure : comme nos mères déclinaient et nous pompaient l’air, nous avions décidé, Michel Contat et moi, de suivre le scénario de L’Inconnu du Nord Express d’Alfred Hitchcock et d’échanger leurs meurtres. Le projet n’a jamais abouti. Mais s’il y a une chose dont je suis certain au moins, c’est qu’il aurait ravi ma mère. On ne tue jamais que ceux que l’on aime.