DE MICHEL POLAC À CYRIL HANOUNA

La règle essentielle de toute émission de divertissement est la suivante : il s’agit d’un concours de bêtise et, quoi qu’il advienne, l’animateur doit gagner. Celui qui l’emporte haut la main aujourd’hui est Cyril Hanouna qui est sans doute au diapason de la France actuelle – et ce n’est pas un compliment – comme le fut en son temps Laurent Ruquier avec ses plaisanteries de garçon coiffeur. Pour qui a connu Michel Polac et « Droit de réponse », la chute est brutale : un bouffon, certes bien intentionné mais bas de plafond, s’est substitué à un polémiste dont l’immense culture et les qualités artistiques donnaient au spectateur l’impression de s’élever intellectuellement sans jamais tomber dans le caniveau.

Je n’ai jamais caché ma sympathie pour Éric Zemmour, mais je me suis souvent demandé si tous les efforts qu’il mettait à relever la France du pétrin où elle se trouve, n’étaient pas voués à l’échec. J’ai bien peur que le dernier mot ne revienne à Cyril Hanouna et non à cette civilisation qui eut son heure de grandeur et à laquelle Zemmour croit encore. Personne ne gagne jamais contre le temps qui passe. Autant regarder avec un regard moqueur le déclin de l’empire romain – pardon : français. Et se rappeler que là où l’on ne peut rien, il est vain de vouloir quelque chose. Michel Polac ne ressuscitera pas et Cyril Hanouna a encore de beaux jours devant lui. On peut avec cynisme s’en réjouir, mais il est vain de le déplorer. D’aucuns pensent que les combats perdus d’avance sont les plus beaux et je me garderai bien de les contredire. J’admire même Zemmour, Rioufol et Finkielkraut, sans oublier notre chère Elisabeth Lévy, pour les combats qu’ils mènent. Pour ma part, j’ai bien peur que l’heure de fermeture ait définitivement sonné dans les jardins de l’Occident.

LE BILLET DU VAURIEN – LE VIEILLARD ÉLÉGANT ET LA GAMINE DÉSŒUVRÉE

Nous sommes tous tellement prévisibles. Dans le bureau de Jean-Luc Douin au « Monde des livres », mon regard s’était arrêté sur « Hôtel Iris »de Yoko Ogawa. Jean-Luc m’avait dit : « C’est un roman pour toi. Prends-le ! »

Je me doutais qu’il y serait question d’un vieillard élégant et d’une gamine désœuvrée avec cette touche de sadisme qui rend jouissifs les sentiments les plus anodins. Pendant qu’elle serait ligotée, la fille se demanderait : « N’est-il pas déçu par mes seins enfantins, par mes cuisses trop lourdes, par les poils de mon pubis transpirant légèrement ? » Plus tard, elle aurait droit aux confidences du vieux monsieur : « Me noyer dans le désir physique me permet de vérifier que je suis toujours en vie. »

Bien sûr, il lui écrirait tous les jours. Bien sûr, il lui ferait lire les romans qu’il traduisait du russe. Bien sûr, il paniquerait à l’idée qu’elle pourrait s’ennuyer en sa compagnie : « Ce n’est pas très drôle pour une jeune fille de dix-sept ans de passer son dimanche avec un vieux monsieur comme moi. » Bien sûr, elle rêvait souvent qu’il l’étranglait. Mais c’est son cadavre à lui qu’on repêcha un jour dans la mer, à moitié nu, sa tête ayant doublé de volume et son corps gonflé par les gaz de putréfaction. Et, dans le tiroir de sa commode, on découvrit une quantité incroyable de photos d’adolescentes. Une initiation s’achevait. La jeune fille connaissait maintenant le goût du sorbet à la pêche et de la mousse à la banane. C’était bien suffisant pour survivre à la mort du Maître.

« Un roman pour toi », m’avait dit Jean-Luc avec un sourire entendu. Il avait vu juste.

LE BILLET DU VAURIEN – EN VRAC

J’ai toujours été hanté par l’idée du suicide. Sans jamais passer à l’acte. Je partais de l’idée que c’était la meilleure solution aux désagréments et à l’ennui de vivre. Après tout, me disais-je, laissons les voluptés de l’existence pour autant qu’elles existent à la domesticité : ce sera toujours une maigre compensation aux affronts qu’ils subissent.
« Mais le suicide n’est pas une solution » m’a dit Lao-Tseu. Alors, il faut se résigner à vivre? Lui ai-je demandé. Il a souri face à tant d’enfantillages et a clos cette discussion qui ne menait nulle part par ce simple mot : « Mais pourquoi devrait-il y avoir une solution ? » Depuis je pratique le non-agir et je ne m’en porte pas plus mal.Certes, je suis trop vieux pour jouir encore, mais hélas trop jeune pour être débarrassé de la malédiction du désir. Et là encore je dois me résigner à l’absence de solutions. Je suis le dépositaire d’un jeu dont je ne serai jamais le propriétaire.

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Sans détour, Woody Allen disait qu’on ne se suicide pas dans les quartiers pauvres : on est bien trop malheureux pour ça.Il disait aussi que la seule fois où il a éprouvé un orgasme avec son épouse, c’est le moment où le juge lui a remis l’acte de divorce. Pour avoir été marié quatre fois, je confirme. Il y a un tel soulagement dans la rupture que ce que j’ai ressenti ressemble fort à ce que doit éprouver un condamné à mort auquel on annonce qu’il sera gracié .

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Là encore il n’y pas de solution : ou bien vous pratiquez un art commercial et vous courez le risque de finir putain. Ou bien vous placez vos exigences en la matière très haut et vous courez le risque de finir vieille fille.


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Je me souviens de ce que disait l’ami Louis Skorecki à propos de Scorsese et de Godard : le premier est né si petit qu’il ne peut plus rétrécir, le second est né si grand qu’il semble se ratatiner à vue d’œil. J’ai toujours plaidé en faveur de l’injustice en matière de critique cinématographique et c’est pourquoi Skorecki est grand.

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À un visiteur qui faisait remarquer à Schubert que son nouveau morceau était triste, il répondit : « Y a-t’il une autre musique ? ». Et c’est pourquoi je préférerai toujours Françoise Hardy à n’importe quel rappeur.