
On abuse souvent du terme de « génie ». Serait-il seulement un alibi à notre paresse ? L’homme de talent est plus facile à définir : il atteint sans la moindre difficulté une cible que les autres ratent presque systématiquement, faute d’attention ou d’entraînement. Le talent est à la portée de chacun, s’il veut bien s’en donner les moyens. Il en va tout autrement du génie, car si j’en crois Schopenhauer – et pourquoi ne le croirais-je pas ? – l’homme de génie peut toucher une cible que les autres ne peuvent même pas voir. L’homme du commun se rallie en général à ce que l’opaque majorité lui enjoint de croire. Et il s’en porte bien. S’il lui arrive de douter, il s’empresse de revenir à l’opinion commune, selon le principe qu’il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul. J’admire chaque soir sur les chaînes d’information avec quel air de supériorité un peu lasse les médecins distillent la peur pour inciter à une vaccination universelle. Il va de soi qu’ils veulent notre bien. Leur bonté est à peine moins dangereuse que le mal qu’ils combattent. Mais à leur décharge, ils peuvent toujours se réfugier derrière la Science qui est le dernier avatar de la Religion. D’ailleurs l’essentiel n’est-il pas de sauver, physiquement ou spirituellement, l’humanité dont nul ne doute, à l’exception de quelques détraqués ou suicidaires, qu’elle mérite un sort meilleur ? Pour l’ instant, chacun observera qu’elle descend d’éternels escaliers sans rampe. Certains en sourient, d’autres sont pétris d’angoisse.
Saint Augustin, qu’on peut qualifier de génie sans risque de se tromper, en appelait à une stérilité générale et volontaire qui « accélèrerait la marche vers la fin des temps ». L’auto-extinction de l’humanité nous éviterait bien des désagréments. Peut-être devrions-nous nous réjouir des pandémies plutôt que de pleurnicher. Un impératif catégorique auquel je souscris pleinement : rester le moins longtemps possible en vie. J’ai bien peur hélas de n’en être pas capable. Aussi donnerai-je raison à ceux qui me traitent d’imposteurs. D’ailleurs si ne l’étions pas tous, comment ferions-nous pour nous supporter ?
J’aime beaucoup « ceux qui me traitent d’imposteurs » au pluriel, parfait lapsus. Merci.
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Cependant méfions nous, tout dépend s’il s’agit d’un lapsus Freudien ou lacanien. Quoiqu’il en soit, dénoncer soi-même son imposture avant qu’un autre le fasse, révèle un grand talent confinant au génie. Schopenhauer ne devait pas imaginer qu’un jour il aurait des disciples de cette trempe.
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L’odeur des pieds surtout…
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Paul Valéry: « Le talent sans génie est peu de chose. Le génie sans talent n’est rien. »
Voire. Voyons qui a été qualifié, ou s’est lui-même désigné, comme « génie sans talent »: Robert Filliou (artiste contemporain, auteur de la phrase très juste: « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art »); et le cinéaste Jean Rollin. Et sans doute d’autres.
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