
Il faut avoir vécu au Japon pour saisir que la langue japonaise, à l’opposé de toutes les autres, est faite pour couper court à la communication verbale. Il importe de laisser parler le néant et, surtout, de parvenir à transmettre ses pensées sans les dire. Comme dans les haïkus. Plus c’est bref, plus c’est profond.
À cet égard, Kierkegaard est très japonais quand il suggère qu’il convient de s’introduire comme un rêve dans l’esprit d’une jeune fille. Le grand art consiste à en sortir sans même l’éveiller. Avouerai-je que ne n’y suis jamais parvenu ?
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Ce poème Zen de Sekishitsu que j’apprécie particulièrement, permettez-moi de le partager avec vous :
« Pendant soixante trois ansCette vieille bête maladroite S’est tirée d’affaire.Et maintenant, pieds nus, parcourt le vide…Quel non-sens ! »
Poème auquel dans un dernier chuchotement, il serait loisible de répondre :
« La vie est comme nous l’avons trouvée La mort aussi.Un poème d’adieu ? Pourquoi insister ? »
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Longtemps, quand une femme mourait, on offrait ses vêtements au monastère bouddhiste qui en faisait des bannières : les kimonos flottaient au vent de l’impermanence, concentrant dans leurs plis gracieusement macabres toute la poésie des métamorphoses et des métempsycoses par lesquelles une amante, même morte, peut rester éternellement belle et désirable. Une femme disparaît, elle se réincarnera ailleurs, mais son vêtement vide symbolise ce qu’il y a de plus précieux en elle : son absence. Car c’est absente que l’homme l’aime pour mieux la rêver.
« Car c’est absente que l’homme l’aime pour mieux la rêver. » Sublime!
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Lord Byron en savait quelque chose: « Il est plus facile de mourir pour la femme qu’on aime que de vivre avec elle »
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