
Jacques Lecarme, professeur honoraire de littérature à La Sorbonne, ami de Serge Doubrovsky ( on ignore en général que c’est lui qui a érigé l’auto-fiction en genre littéraire ) et critique littéraire hors pair ( sartrien, tendance Drieu ) m’a fait remarquer après avoir lu mon journal intime qu’il doute que je sois un lecteur avide : le goût pour les aphorismes exclut une addiction à Balzac, Tosltoï ou Dostoïevsi. Je n’ai pu que lui donner raison. Il n’est pas sûr non plus que j’aie lu intégralement les livres que j’ai recensés ou ceux que j’ai édités. « Les bons critiques, ajoute-t-il, sont ceux qui dégainent le plus vite, en limitant au minimum le temps de la lecture à quelques prélèvements homéopathiques. » J’irai même plus loin : celui qui n’arrive pas à déceler en moins d’une page l’orientation sexuelle et politique, voire le compte en banque, de l’écrivain dans lequel il est plongé, devrait s’abstenir de pérorer sur la littérature.
Jacques Lecarme apprécie mon apolitisme profond et tranquille qui n’est pas comme chez Cioran la couverture d’une apostasie. Je lui laisse la responsabilité de cette affirmation : il y aurait tant à en dire. En revanche,comment ne pas lui concéder que l’indifférence à la politique correspond à ce fait constant que nous nous foutons tous éperdument du bien public, sauf quand nous briguons des responsabilités politiques ou une gloriole littéraire. Mais il faut vraiment tomber bien bas pour vouloir devenir conseiller municipal ou ministre de la République. Dictateur à la limite….
N’ignorant pas mon amitié pour Gabriel Matzneff, Jaques Lecarme m’a fait remarquer qu’il y a quand même des problèmes d’évaluation littéraire. Il m’a raconté qu’une de ses étudiantes était tombée amoureuse de Gabriel Matzneff et s’était offerte à lui : il l’avait trouvée trop âgée . Elle s’était dédommagée en faisant un exposé sur la vie et l’œuvre de son idole. « J’ai donc lu et étudié l’œuvre matznévienne, poursuit Lecarme. Il n’y a là aucune valeur intellectuelle ou stylistique, rien qu’une posture d’arrogance et une parade de prédateur de petites filles. Il est peut-être beau, mais il est très con. Il ne suffit pas de faire la sortie des lycées pour devenir un écrivain. Montherlant qui fut son maître et protecteur avait un immense talent, Matzneff ne lui a emprunté que des tics d’imposteur. » Je me suis souvent demandé si moi aussi je n’avais pas fait qu’emprunter des tics d’imposteur non à Montherlant, mais à Cioran. Il est vrai qu’il m’y encourageait.
Ce qui a troublé Jacques Lecarme, c’est comment mon amour pour L. m’a conduit à un retournement du mythe de Pygmalion, comment j’ai été selon lui pygmalionisé et dépassé par ma création. L’ai-je vraiment été que je m’en féliciterai. J’ai cru à son génie précoce, mais j’avoue avoir un peu de peine à la lire maintenant qu’elle est devenue une femme de lettres. Quoi qu’en pense Lecarme – dont je suis très fier, après l’avoir lu attentivement ( ça m’arrive ) – d’avoir édité : « Le bal des maudits », je préfère l’insouciance et la légèreté de Gabriel Matzneff à l’écriture trop travaillée de L. C’est d’ailleurs un défaut typiquement féminin : prendre les choses trop au sérieux. Une exception : Françoise Sagan.
Je laisse la conclusion à l’ami Jacques Lecarme, même s’il estime que l’amitié, de toute manière, est un impossible et un irréalisable : « Chaque écrivain est un crocodile barbotant dans son marigot. De temps en temps, ces prédateurs feignent de chasser en meute. C’est une vaine illusion : tuer les concurrents et rester le seul mâle du troupeau qui s’approprie toutes les femmes, voilà le principe de survie et la pulsion fondatrice. » Freud ne pensait pas autrement, moi non plus d’ailleurs . Mais c’était le monde d’avant….
Votre texte est intéressant. Jacques Lecarme est très compétent en littérature française du XXe siècle.
Il fut je crois inspecteur général de l’Education nationale. Excusez du peu !
Son éloge de Montherlant est justifié ; sa critique de Matzneff est injuste : c’est un des meilleurs auteurs français du temps.
Avez-vous de ses nouvelles ?
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Mr Lecarme, qui a du mal à appréhender la philosophie Jaccardomatznévienne, n’a pas du apprécié que son étudiante lui préfère Matzneff qui méprise les universitaires, inaptes à le saisir par définition.
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Un plaisir constamment renouvelé.
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Je suis assez d’accord avec ce que Lecarme dit de Matzneff. J’ai beaucoup lu Matzneff, et j’en suis revenu. En revanche, sur la critique littéraire, cela me semble frôler le dilettantisme, voire l’aquoibonisme. Il ne faut pas faire ce métier, si l’on n’aime pas lire ! Ecrivez autre chose : vos Mémoires, par exemple ! Sinon, c’est vrai que les femmes prennent tout au sérieux. C’est ce qui a fait dire à Aragon que « la femme est l’avenir de l’homme » ! Je le crois profondément. Et puis, Matzneff rebutant cette pauvre étudiante, c’est grossier ! Quel goujat !!!
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Ne nous laissons pas galatiser…
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J’ai tous les livres de G. Matzneff (c’est peut-être dangereux à notre époque) , ses journaux ìntimes sont meilleurs que ses romans car il n’a aucune imagination. Grâce à vous il ne sombre pas dans l’oubli. Je lis aussi vos livres: j’aime bien J .Wayne et L. Brooks.
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bonjour monsieur jaccard
juste une chanson italienne de 2021 vibrant comme une chanson italienne de toujours aux reflets ensoleillés du passé
andrea laszlo de simone VIVO
bonne soirée au palace
en passant devant parfois j pense à vous . . .
jean
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à propos de matzneff il y a dans l’obs de la semaine passée des propos aimables de dominique fernandez un des seul écrivains à avoir eu le courage de ne pas dézinguer gab
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Mr Lecarme est injuste envers Gabriel Matzneff, il est tout sauf con, en revanche s’est ce qu’il dit de lui qui est con. Matzneff (qui a une place de choix dans ma bibliothèque) est un grand styliste de la langue française ,et donc un grand écrivain. Dire cela vu les « conditions atmosphérique » n’est pas dans la bien pensance du jour, mais c’est la vérité et tant pis pour les pisse- froid.
J’ajouterais que la façon dont le tribunal médiatique et ses zoïles l’on piétiner et lui on tourner le dos est absolument immonde.
Cher Roland Jaccard avez vous de ses nouvelles, comment va t’il ?
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