LES POISONS DU DOCTEUR JACCARD

Fin de vie difficile : humilié par une petite garce de vingt ans qui n’en fait qu’à sa tête. Harcelé pour être « l’ami du violeur », en l’occurrence Gabriel Matzneff. Des livres qui ne se vendent plus, publiés par un éditeur jugé «  infréquentable ». Une lassitude à m’auto-plagier dans un nihilisme confortable. Un cancer de la prostate et des dents qui me réservent tous les mois de délicieuses surprises – heureusement, il ne m’en reste plus beaucoup. Au moins, je ne mourrai pas dans la dèche, simplement conforté dans mon dégoût de l’existence. La cupidité des uns, la perfidie des autres – je pense à l’espionne turque – sans oublier les amis ( Clément Rosset, Dominique Noguez…) qui meurent les uns après les autres : autant de raisons de prendre la tangente !

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Mais, comme me l’écrit ce cher Alain Bonnand, « trop tard pour te suicider, Roland. Tu feras ça dans une autre vie. Celle-ci, il faut la souffrir jusqu’au bout. Passé l’écœurement, tu y trouveras du plaisir. » Je me demande bien lequel à quatre-vingt ans. Alain ajoute ironiquement : le spectacle aujourd’hui est grandiose ! Et plus besoin d’aller de l’autre côté pour connaître le néant à venir. Malheureux Debord et Muray, morts trop tôt, qui avaient tout deviné et n’auront rien vu.

Rien à ajouter. Ou plutôt si : ce fragment d’une lettre de Patrice Jean qui m’écrit avoir lu avec un grand plaisir ( morbide ) ma « Confession d’un gentil garçon ». Puis, ajoute-t-il, je l’ai rangé avec les autres poisons du Docteur Jaccard : il doit manquer à ma collection deux ou trois boîtes. Vous allez directement à l’essentiel. C’est pourquoi, malgré la cruauté des propos, la lecture en est apaisante, pour ne pas dire fortifiante.

Je m’arrête là pour ne pas étaler ma vanité…mais que serait la littérature sans elle ? Et aussi parce que la femme de ménage vient d’arriver et qu’elle s’apprête à passer l’aspirateur. Quelle bénédiction ce serait si elle m’aspirait pour l’éternité…

 

5 réflexions sur “LES POISONS DU DOCTEUR JACCARD

  1. Bon courage… Vous devriez vous tourner vers la sagesse, relire Sénèque, comme doit le faire votre ami Matzneff en ce moment. Ou vous intéresser à la religion et au salut. Tout ceci est spécialement fait pour vous, pour que vous ayez, malgré tout, une vieillesse, sinon heureuse, du moins supportable. Serez-vous un nihiliste jusqu’à la fin ? Quel dommage ce serait, croyez-moi, cher Roland Jaccard. Cordialement.

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    1. -C’est une constante chez la plupart des biens portants de le faire savoir en divulguant leurs conseils vicieux un rien rédempteur, loin d’imaginer que viendra un jour leur tour où ces propos n’auront pas le moindre effet sur eux-mêmes.
      Georges Perros « Papiers collés »1989 : « Ces moments où tous les hommes, tous les livres du monde deviennent insuffisants. Où, dans la bibliothèque totale, on ne trouverait pas un seul livre de sauvetage…… Ces moments là donnent justement une idée de la mort…..ils dévoilent la vie dans son extrême nudité……ces moments viennent et s’en vont sans prévenir »
      – Par ailleurs Matzneff qui achève de construire son destin hors norme se fout bien des écrits de Sénèque en ce moment, et fait durer le plaisir en goûtant aux délices de sa postérité assurée par sa nymphette préférée.

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  2. Sophie Marceau était vraiment mignonne dans LA BOUM !! Je lis que GM est très triste. Y a-t-il un moyen de lui faire savoir qu’on le comprend, qu’on est d’une certaine manière « avec lui » ?

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  3. Votre écriture ne réside-t-elle pas justement dans cet écartèlement entre les aspirations de votre aspirateur « au ras du sol » et les aspirations vers « l’inaccessible étoile » ?…

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  4. Il y a quelques temps j’ai aperçu un monsieur intéressant devant le Lausanne Palace: âgé, portant beau, de la prestance, plutôt de haute taille, en blue jeans, un intellectuel ancien séducteur mais pas un vieux beau, avec de l’assurance mais pas cette assurance des riches. Il regardait autour de lui d’un air amusé et aigu. Quelque chose d’un rapace dans sa physionomie, je veux dire un oiseau de proie, au moins un busard ou un milan. Je me suis demandé: mais qui est ce monsieur ? Il me semble que je le connais. J’avais envie de lui adresser la parole pour faire connaissance. Mais je n’avais pas 10 Frs suisses sur moi pour payer un café. Je suis rentré chez moi et ce n’est qu’une heure plus tard que j’ai réalisé qui était ce monsieur.

    Et voilà comment j’ai manqué l’occasion de faire la connaissance de Roland Jaccard. Je l’ai vivement regretté.

    Tout cela pour vous dire que je ne vous ai pas trouvé aussi décati que vous vous décrivez. J’espère que votre santé est bonne, malgré les dents… Ainsi la prochaine fois que vous serez à Lausanne nous pourrions quand même prendre un café.

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