BLANCHES COLOMBES ET VILAINS MESSIEURS

En lisant le récit de Vanessa Springora, Le Consentement qui n’est pas d’une tendresse particulière à l’endroit de celui qui fut son amant alors qu’elle était encore lycéenne – les habitués de la piscine Deligny reconnaîtront sans doute l’auteur des Moins de seize ans – je me suis souvenu d’une réflexion de l’excellent écrivain basque, Inãki Uriarte, réflexion que je me suis faite dès lors que je me suis mis à écrire (j’avais quinze ans) : « Nombre de ceux qui veulent devenir écrivains vendraient leur âme au diable pour bien écrire. Ce que j’ai appris avec l’expérience : on peut être un salaud et bien écrire. Et il est fort probable que seuls les salauds parviennent à bien écrire. »

Cette citation aurait pu figurer en exergue au récit de Vanessa Springora, par ailleurs plutôt bien ficelé. Et j’espère, sans trop y croire, en être digne un jour…même s’il est un peu tard. D’autant plus que la concurrence va devenir redoutable, les vieux, amateurs de chair fraîche ,étant de plus en plus nombreux. Avant, les écrivains ne vivaient pas aussi longtemps et les gamines délurées n’avaient pas fait leur classe devant leur petit écran. Il y aura à l’avenir de plus en plus d’écrivains pervers et manipulateurs, à côté desquels Gabriel Matzneff qui leur fait apprendre par cœur et réciter le Notre Père en français et en russe, fera figure de romantique attardé. Les éducations sentimentales en littérature sont souvent émouvantes. Celle de Vanessa Springora a un parfum de revanche qui lui enlève tout charme. Elle colle si parfaitement à l’esprit du temps, comme Flavie Flament avec David Hamilton, qu’on éprouve presque un sentiment de nausée face à ces règlements de compte qui surviennent trop tardivement pour être vraiment crédibles, même s’il est vrai que la vengeance est un plat qui se mange froid.

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Vanessa Springora, Le Consentement, Éd. Grasset. 205 pages. 18 Euros.

6 réflexions sur “BLANCHES COLOMBES ET VILAINS MESSIEURS

  1. Toi qui a été psychoquelquechose, fût un temps, tu devrais savoir mieux que personne que face à un traumatisme grave, le psychisme se défends en rejetant le souvenir de l’événement traumatique, et il a d’autant plus tendance à le faire, que l’environnement dans lequel il vit ne reconnait pas ce traumatisme en tant que tel. Dans le cas de Vanessa Spingora, il semblerait que ton ami était adulé par sa mère et que la société, à part quelques rares exceptions qu’étaient Mme Bombardier (qui a magnifiquement bombardé Gabriel Matzneff (des frappes chirurgicales, pas un mot de trop, pas un mot de travers, soit-y en passant, dans l’extrait d’Apostrophe, on le voit regarder ses chaussures au moment où elle prend la parole), ne voyait rien à redire à ce qu’un homme mûr se vante d’enchaîner les relations avec les « minettes » comme disait complaisamment Pivot, Matzneff à ce moment-là roucoule. Quand à prétendre que seuls les salauds savent bien écrire, je ne suis pas du tout d’accord avec toi, c’est un peu facile comme défense, et cela compromet un tas d’écrivains, qui n’auraient pas fait de mal à une mouche. Bien sûr, nul n’est parfait, mais de là à toucher à l’innocence d’une enfant… Tu parles de vengeances de Flavie Flament ou de Vanessa Spingora, mais il me semble plutôt que c’est Hamilton et Matzneff qui se sont vengés sur ces gamines, de quoi, je ne sais pas, il faut être bien malheureux pour s’en prendre à des innocents, peut-être eux-même ont été eux-même abusés, pendant leur enfance, c’est un phénomène habituel, l’identification à l’agresseur. Et puis, ne vas tu pas vite en besogne en classant Matzneff parmi les grands écrivains ? Ça n’est pas parce que un de tes amis, au moins, l’était qu’ils le sont tous. On n’est pas écrivain par la renommé que l’on acquiert dans le milieu littéraire de son époque, qui se souviendra, voir, qui se souviens de Matzneff en tant qu’écrivain ? En parlant de tes amis, sais-tu qu’André Laude, t’a dédié un de ses livres ?

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  2. Bien ficelé?
    Grosses ficelles.
    « Ce sont les petits motifs et les petits cerveaux qui décident de tout et qui conduisent tout. Tout devient question d’amour-propre, d’opportunités, d’adresse. Ficelle, truc, manigance, tour de main, on ne sort pas de là ». Amiel, Journal.

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  3. « Le psychisme se défend en rejetant le souvenir « ; C’est vrai et j’adhère complètement. Mais je trouve curieux que dans les deux cas cités le mutisme cesse avec les délais de prescription. Juridiquement et moralement c’est capital car cela interdit des poursuites qui amèneraient une contradiction. La contradiction est très importante en droit, elle a tendance à être de plus en plus négligée. Les versions de Mesdames Flament et Spingora sont considérées comme la révélation de l’esprit Saint. Ces femmes sont les deux seuls êtres humains qui n’arrangent pas un peu la vérité. Et quand on a pris soin de s’attaquer à des hommes de 90 ans, quel courage ! La rupture du rejet des souvenirs arrive vraiment à temps.

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    1. Cela n’aurait rien changé, le rouleau compresseur du tribunal populaire (jury essentiellement composé de femmes et d’eunuques à leur service) a rendu son verdict en prenant soin d’épargner la mère de Vanessa à qui sa fille a pourtant réglé son compte dans son livre autant qu’à Matzneff. Même chose en pire avec la mère maquerelle de Flavie totalement occultée par l’opinion publique au profit d’Hamilton.

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