Notre vie sentimentale, disait un humoriste viennois de ma connaissance, se divise en trois misérables chapitres : rêveries dérisoires, tentatives infructueuses et triomphes sans valeur. Et, passé vingt ans, nul n’ignore qu’il n’y a que la rencontre et la rupture qui soient intéressantes. Le reste n’est que remplissage, une morne façon de tuer le temps en s’illusionnant sur l’éclat ou les vertus du prince ou de la princesse charmant(e), que, dans un instant d’aberration ou de profonde dépression, nous avons paré de toutes les qualités.
Dans Petite philosophie de l’amour, Alain de Botton, spécialiste de la question, écrivait par exemple que « Nous n’aimerions pas s’il n’y avait en nous une sensation de manque, mais paradoxalement, nous nous irritons de constater le même manque chez l’autre. »
Toute histoire d’amour débute par une rencontre, en général fortuite, mais dont nous avons la certitude qu’elle a été décidée par les dieux. L’espérance d’un destin n’est jamais aussi forte que dans notre vie sentimentale. Pour échapper au lugubre cycle de nos mutuelles incompréhensions, il nous faut croire qu’un jour ou l’autre, le miracle se produira.
Le parcours est fléché, les pièges sont nombreux et toute histoire d’amour, avant même d’avoir commencé, est déjà finie : des centaines de films, d’ouvrages de psychologie, de romans, ainsi que notre modeste expérience révèlent que dans l’éternel combat contre la lucidité et la passion, c’est presque toujours la première qui l’emporte. Par définition, la connaissance est du côté du cynisme.
Évidemment, dès que l’amour est payé de retour, la question se pose : « qu’ai-je bien pu faire pour mériter cela ? ». Avec la possession débute l’ère des désenchantements, couronnée par le ricanement de Groucho Marx soufflant à notre oreille que lui, au moins, ne concevait pas d’adhérer à un club qui l’accepterait comme membre. Les divergences en matière de musique, de cinéma, de lectures, et, plus importantes encore, en matière d’habillement, du choix des chaussures et de la présence ou non de vernis à ongles, sont les trompettes de la rupture. Quand celle-ci survient, nous combattons bien vite la tentation romantique du suicide par un nouvel attrait pour un ou une nouvel(le) inconnu(e).
La littérature guérie des chagrins d’amour.
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« La femme est un danger quand on n’en aime qu’une.» : Jean Richepin
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Il n’y a pas que la rencontre et la rupture qui soient intéressantes, il y a aussi le renoncement, ce qui pour le sage est la première des évidences sans parler des religions dont on connait la relation au sexe féminin.
« Rien ne ravale autant la valeur d’être d’un homme que les caresses d’une femme » disait Saint Augustin.
Aimer plusieurs femmes pour éviter le danger d’en aimer qu’une équivaut à passer du statut d’esclave de base de ses sens à celui de roi des esclaves au service des gueuses.
Si vous êtes dans l’impossibilité de venir à bout de votre addiction, écrivez au moins votre journal qu’on en profite un peu, ne serait ce que pour nous consoler de celui de Matzneff, égaré au fond de la cave des Gallimard. Avant qu’on le retrouve et le remette en vitrine, ça vous laisse le temps pour les galipettes.
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