Une interview vintage à l’usage des écrivains qui n’écrivent pas.
Tout ce que j’écris est tiré de mon journal intime. Ce sont des choses personnelles et impudiques, sur les gens que je rencontre, sur l’air du temps. Donc pas d’état d’âme, pas de problème d’inspiration. L’angoisse vient après, lorsque le livre est sorti. Je me demande comment j’ai pu être assez con pour me lancer dans cette affaire. Pour m’être dénudé sans que l’on ne m’ait rien demandé, et livré ainsi à la critique. Tous les éléments pour instruire mon procès sont là, dans le livre ! L’angoisse, pour moi, c’est donc l’angoisse d’en avoir trop dit.
Quant à la première phrase, elle apparaît toujours subitement, et entraîne le reste. C’est toujours la meilleure, il faut bien l’avouer. On pourrait d’ailleurs s’arrêter à la première phrase.
Quand j’étais jeune, devant mes dissertations, j’étais pris d’une autre angoisse, celle de ne pas parvenir à tout dire. D’être arrêté dans mon élan avant d’avoir eu le temps de conclure. Dans les romans, au contraire, il vaut mieux s’abstenir de conclure, d’accabler le lecteur de virtuosité et des preuves grandiloquentes de votre savoir. On doit lui laisser une marge, de quoi se désangoisser par lui-même.
On remarque il est vrai que beaucoup de romanciers ne savent visiblement pas comment conclure leurs romans. Ils en imaginent une parmi d’autres sans conviction pour que le lecteur s’invente la sienne, celle qui lui fera plaisir ou le rassurera avant tout sur son destin.
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