SON TUBE INTERNATIONAL « MEIN KAMPF » CARTONNE ENCORE
On oublie parfois qu’Adolf Hitler a été le premier rocker international, que son tube Mein Kampf a mis le feu au monde et qu’il figure encore au top ten de nombreux pays. Certains de ses admirateurs prétendent même qu’il ne serait pas mort au cours d’un festival pyrotechnique à Berlin, mais que, retiré au Paraguay, il préparerait un second succès international qui aurait pour titre Mes erreurs. Mais ne nous fions pas trop à ses fans, souvent trop zélés, voire fêlés, qui ne veulent pas admettre que même les idoles meurent un jour de leurs excès.
Mein Kampf, rappelons-le, a été longuement élaboré dans la prison de Landsberg, en Bavière, où Adolf ayant commis quelques bévues politiques était incarcéré. Ce bad boy caressait moins sa guitare que l’idée d’un suicide qui laisserait de lui l’image d’un martyr. Ses co-détenus l’assurant qu’avec sa voix et la violence de ses textes il pouvait conquérir le monde, il se laissa convaincre. Certain d’avoir une vocation artistique – il rêvait d’être peintre – il avait déjà eu l’excellente idée de changer son nom Schickelgruber (qui signifie croque-morts) en Hitler, beaucoup plus rock and roll. « Heil Hitler« , que scandent ses groupies, préfigure « Salut les copains !« , avec une touche gothique qui séduit les Allemands et des costumes Hugo Boss agrémentée de têtes de mort qui font gothique chic.
Le succès de Mein Kampf ne se démentira pas. Aujourd’hui encore en Inde, en Turquie et dans les pays arabes, sans oublier la Mongolie, il est en tête des ventes. En Europe, où un vent mauvais d’antisémitisme et une guerre sans pitié ont rendu Mein Kampf inaudible, il sera considéré comme un exemple de mauvais goût, voire d’incitation au meurtre et, à ce titre interdit. Le rendant, pour certains esprits faibles d’autant plus attirant. À titre personnel, je trouve stupide de l’avoir interdit ou publié en le criblant de notes, ce qui lui donne une valeur démesurée. Mein Kampf est un livre qui vous tombe des mains et qui aurait dû tomber dans l’oubli. Son histoire est parfaitement présentée dans l’ouvrage de Claude Quétel, Tout sur Mein Kampf.
Rappelons par ailleurs que le premier philosophe à avoir pris au sérieux dès 1934 la philosophie d’Hitler n’est autre qu’Emmanuel Levinas. Elle ėveille, disait-il, la nostalgie secrète de l’âme allemande. Il avait compris tout de suite que la volonté de puissance nietzschéenne que l’Allemagne moderne retrouvait et glorifiait n’était pas seulement un nouvel idéal, mais un idéal qui apportait en même temps sa forme propre d’universalisation : la guerre et la conquête.
Allant encore plus loin dans la ligne tracée par Levinas, Johann Chapoutot s’est plongé minutieusement dans la révolution culturelle nazie. Révolution qui nous ramène à la Grèce antique, à Platon, à Kant et à son impératif catégorique qui, non seulement rendent alors possibles, mais légitiment les crimes nazis. Contrairement à l’opinion commune, quand les hitlériens entendaient le mot « culture », ils ne sortaient pas leur revolver, mais leur stéthoscope ou leur craniometre pour redonner à une pensée antique perdue et à des principes politiques sains balayés par la Révolution française
leur droit qui n’était autre que le droit germanique, débarrassé de toutes les scories humanistes ou chrétiennes qui l’ont dénaturé. Les enjeux du nazisme étaient là et nul ne les a mieux décryptés que Johann Chapoutot.
Claude Quétel – Tout sur Mein Kampf Éd. Perrin. 276 pages.
Johann Chapoutot – La révolution culturelle nazie Gallimard. 282 pages.