Âgé de trente ans, Alfred Binet se pose l‘éternelle question : Qu’est-ce que l’amour ?
Pourquoi désire-t-on telle personne plutôt que telle autre ? Il y répond dans un bref volume, Le fétichisme dans l’amour, en 1887.

Man Ray
La sexologie et la psychanalyse sont encore dans les limbes.
Alfred Binet est un précurseur. Il sera d’ailleurs souvent plagié, y compris par Jung, qui lui empruntera les notions d’extraversion et d’introversion. Ses biographes laissent entendre qu’il n’en prenait pas ombrage : c’était un homme timide qui s’intéressait à la psychologie des joueurs d’échecs, à la fatigue intellectuelle, à l’hypnose et qui écrivait sous pseudonyme des drames macabres.
À partir d’exemples aussi classiques que celui de Descartes irrésistiblement attiré par des femmes qui louchaient ou de Rousseau ne trouvant de satisfaction que dans la flagellation, Alfred Binet arrive à la conclusion que l’amour normal, pour autant qu’il existe, n’est que le résultat d’un fétichisme subtil et compliqué, polythéiste pour le dire en un mot. Le pur fétichiste, en revanche, est un monothéiste : la partie s’est substituée au tout et l’accessoire est devenu primordial. Où commence la pathologie ? s’interroge Binet. Réponse : au moment où l’amour d’un détail quelconque devient prépondérant au point d’effacer tous les autres. Conclusion : l’amour du pervers est une pièce de théâtre où un simple fulgurant s’avance vers la rampe et prend la place du premier rôle.

Jeanloup Sieff
Freud, né une année avant Binet, lui rendra hommage dans Les trois essais sur la théorie de la sexualité. Le premier, il a vu que dans le choix du fétiche se manifeste l’influence persistante d’une impression sexuelle ressentie dans l’enfance. L’impérialisme psychanalytique rendra pour un temps caducs les travaux des psychologues préfreudiens. Cependant, à lire Alfred Binet qui s’inspire à la fois du Traité des Passions de Descartes et de La métaphysique de l’amour de Schopenhauer, on se rend compte de l’erreur qu’on commettrait en reléguant au magasin des antiquités un essai aussi novateur dans la compréhension des sublimes puérilités de l’amour.
Voulez-vous me permettre, cher Roland Jaccard, de vous dire merci pour le beau témoignage que vous avez laissé, au sujet de mon petit livre « Le portrait de Dawn Dunlap », sur You Tube? Il est doux de songer qu’existe, deman, une postérité capable de rendre hommage aux « maudits » comme David Hamilton et tous ceux qui, pour une raison ou l’autre, ou pour un tort ou l’autre, ont été des parias, coupables de penser contre les dogmes de leur époque et de toutes les époques. Olivier Mathieu.
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« Où commence la pathologie ? s’interroge Binet. Réponse : au moment où l’amour d’un détail quelconque devient prépondérant au point d’effacer tous les autres. »
Le fétichisme étant encore considéré pour beaucoup comme « une maladie mentale », il est bon de pouvoir lire sur votre blog ce petit passage qui est le meilleur conseil qu’un psy ait pu me donner. Dès que j’ai pu comprendre cela, ma vie s’est très nettement améliorée dans mon couple puisque mon fétichisme n’était « que le petit plus » tout à fait avouable et non une chose immonde d’un grand malade mental.
Au plaisir de lire vos nouveaux articles !
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