Décidément, le rock s’est bien calmé. En 1960, à Paris, lorsqu’arrivaient sur la scène du Palais des Sports Gene Vincent, les Chats Sauvages ou les Chaussettes Noires, près de deux cent policiers étaient prêts à intervenir. Pas un seul des trois mille assistants ne portait une cravate. Blousons noirs et bottes. Cris d’hystérie, hurlements rauques, violence qui atteignait graduellement une espèce de paroxysme toujours dépassé, heurts avec le service d’ordre, vedettes blessées par des bouteilles de bière voltigeantes, ces bacchanales géantes portaient en elles l’électricité d’une révolution avortée.
De tout cela, il ne reste rien aujourd’hui. Le style « yé-yé » est devenu bon enfant. Il s’est laissé apprivoiser. Des adultes le contrôlent et s’en servent pour des opérations commerciales, politiques et morales qui ne les honorent guère. Il y a tromperie. Mystification.
D’où le succès du nouveau style auprès de la classe sociale la plus aliénée : la classe moyenne. Le rock, de prolétaire qu’il était, est devenu petit-bourgeois. Il n’effraie plus ; il divertit gentiment. Il berce d’illusions tragiques les rêveries sentimentales de millions de petites dactylos et de petits employés. Il a perdu toute puissance. Il est à l’image de l’androgyne Claude François : émasculé et cabotin.
Mais où sont les neiges d’antan ?
L’autre soir, des centaines de garçons et de filles, bien pomponnés pour l’occasion et tristement insignifiants battaient sagement des mains et reprenaient en choeur les « la-la-la » désormais classiques du répertoire.
Nous ne dirons rien de Claude François, sinon qu’il nous a déçu. Il vit sur sa réputation. Attention ! La publicité a ses limites ! Quant à Michèle Torr, qui joue péniblement à Sylvie Vartan, une étoile ? Non, un météore !
Il y eut certes beaucoup de bruit. Nous aurions préféré plus de fureur.