Je retranscris à la hâte ce dialogue saisi sur le vif au premier étage du Flore entre deux jeunes philosophes.
– Comment donner tort à Schopenhauer quand il affirme que les femmes sont de grands enfants myopes, privés de mémoire et imprévoyants, vivant seulement dans le présent, dotées d’une intelligence semblable à celle des animaux avec tout juste un peu de raison, menteuses par excellence et nées pour demeurer perpétuellement sous tutelle ?
– Jolies fleurs qu’il leur envoie ! Mais aujourd’hui la femme ne veut plus être traitée avec des fleurs : la galanterie est passée de mode. Elle veut sentir la force et plus tu lui en dis et plus tu lui en fais, plus elle t’aime. Si tu restes face à elle timide et respectueux, elle te considère aussitôt en son for intérieur comme un imbécile et commence à te faire la leçon. Tu dois faire la moue, te donner l’air d’un homme important, forcer le geste et la voix, mettre de côté trois ou quatre paradoxes, le plus efficace aiguillon de l’attention, et les sortir au bon moment d’une façon brève et impérieuse. Par ailleurs, laissons-lui croire qu’elle est un esprit fort, puisque de nos jours elle fait l’athée comme elle faisait autrefois la dévote…
Je ne suis pas intervenu dans cette conversation, soulagé seulement de savoir que j’avais toujours quelques paradoxes à ma disposition et qu’ils m’avaient maintes fois sauvé de situations inextricables. Quand je me suis levé pour sortir, j’ai encore entendu cette phrase : « La philosophie mène un honnête homme tout droit au gibet. »
Je me suis alors demandé où elle allait mener ces deux godelureaux, imprégnés de Schopenhauer et si visiblement mal à l’aise dans leur époque. Je n’ai toujours pas la réponse.
C’est l’emploi du mot « godelureau » là qui me met en joie.
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C’est bien vrai qu’elle fait aujourd’hui l’athée comme elle faisait autrefois la dévote, mais l’avantage c’est que les nouveaux curés de l’athéisme la font se déshabiller plus rapidement.
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