Ces immondes salopes : une célébration de la fête des mères…

Il m’arrivait parfois d’entrer subrepticement dans la chambre où ma mère dormait encore et de la réveiller par un tonitruant : « Ich bin der Tod ! »

Elle ne m’en tenait pas rigueur, persuadée qu’elle était d’avoir commis un crime impardonnable en me mettant au monde. Elle considérait les mères comme d’immondes salopes,  inconscientes du mal dont elles étaient responsables en perpétuant la vie. Par ailleurs, elle exécrait les enfants. Le  sien, elle le confiait à mon père, ce qui me soulageait plutôt. Car, avec ses airs de star viennoise sur le déclin, elle m’angoissait plus qu’elle ne me rassurait. Ce que je lisais dans son regard, c’était la peur : le nazisme l’avait vaccinée à jamais contre le bonheur. Et elle partageait avec Thomas Bernhard et la plupart des écrivains autrichiens une forme de cynisme qu’avec l’adolescence j’ai trouvé plus que réjouissant. Elle  ne reculait devant rien, se demandant seulement comment elle avait pu être assez sotte pour procréer. C’est le principal héritage que je lui dois.

 

Une anecdote pour conclure : comme nos mères déclinaient et nous pompaient l’air, nous avions décidé, Michel Contat et moi, de suivre le scénario de L’Inconnu du Nord Express d’Alfred Hitchcock et d’échanger leurs meurtres. Le projet n’a jamais abouti. Mais s’il y a une chose dont je suis certain au moins, c’est qu’il aurait ravi ma mère. On ne tue jamais que ceux que l’on aime.

 

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2 réflexions sur “Ces immondes salopes : une célébration de la fête des mères…

  1. Il existe des écrivains heureux; ceux qui écrivent pour eux mêmes. Ils sont les seuls à se relire et à se comprendre. Se faire comprendre par les autres n’est non seulement pas leur problème, mais ils ne veulent surtout pas. Accessoirement pour prendre l’air à la fenêtre, ils commentent brièvement les écrits des autres qui veulent absolument s’exhiber. Ils les repèrent d’instinct, détectant chez eux quelques points communs, mais de manière assez superficielle ne tenant pas plus que ça à creuser davantage au risque d’être déçu.

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  2. En somme une mère quasi irréprochable, s’excusant par avance de la souffrance de sa progéniture dont elle sera à tout jamais la première responsable. Mais on aimerait aussi au moins qu’elle sache en tirer les conclusions le moment venu quand elle devient encombrante pour tout le monde, et surajoute à la somme de désagréments de son rejeton sans parler de son coût pour les autres.

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