Comme notre ami Philipp Mainländer qui aspirait à une philosophie de l’auto-anéantissement de l’espèce, Giuseppe Rensi (né à Vérone en 1871 et mort à Gènes en 1941) soutenait, en schopenhauerien convaincu, qu’il n’y rien de plus grotesque que la suggestion qu’il faut agir, améliorer le monde, le faire progresser. À l’opposé de Hegel et des néo-hégéliens, il soutenait que tout ce qui est réel est irrationnel et que les causes perdues ont autant, sinon plus, le droit de leur côté que les causes gagnées. D’ailleurs, il devrait sembler évident à chaque penseur que le monde n’est du point de vue esthétique qu’un musée de caricatures, du point de vue intellectuel un asile d’aliénés et du point de vue moral une auberge de chenapans.
Ce professeur de philosophie à Gènes était tout à fait conscient que le succès n’advient qu’aux philosophes du oui, ceux qui sont assez naïfs ou retors pour justifier – au moins en dernier recours – les choses, le monde, la vie. Sous Mussolini, il insista sur l’impossibilité de donner un fondement à la politique, ce qui ne dissuada pas le Duce de l’arrêter, ainsi que sa femme. Les censeurs ne supportaient de l’entendre rappeler avant chaque cours que toute idée politique, dès lors qu’elle se réalise, se corrompt et se dénature nécessairement. Sous les masques idéologiques apparaît à l’état de substance chimique quasiment pure ce à quoi se réduit forcément l’art d’exercer le pouvoir : la violence arbitrairement légitimée par la loi.
Terminons sur une note optimiste (une fois n’est pas coutume). Giuseppe Rensi disait que quand il retrouvait après plusieurs années une personne qu’il avait connue beaucoup plus jeune, il se demandait aussitôt en l’observant quel terrible malheur avait dû la frapper. C’est une expérience que chacun d’entre nous a pu faire. Et la conclusion qui s’impose est que la sensibilité humaine n’est rien d’autre qu’une lente concentration des radiations de la souffrance ou, si l’on préfère, une pile chargée de douleur. Rassurons-nous : elle ne dure jamais bien longtemps ! Quant à la changer en procréant, mieux vaut ne pas y songer. Les enfant que je n’ai pas eus ne sauront jamais le bonheur qu’ils me doivent.
voilà un travail P O S I T I F , pour le coup. Brrrra – vo, echter Meister !
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