Kafka aimait flâner dans les parcs de Prague. Au cours d’une de ses déambulations, peu avant sa mort, il rencontra une petite fille qui pleurait la perte de sa poupée. « Ta poupée est en voyage, lui dit Kafka. Je le sais, elle vient de m’écrire. » Comme la petite fille restait dubitative, il lui donna rendez-vous le lendemain au même endroit. Il rentra chez lui, rédigea pendant la nuit une longue lettre et retourna au matin dans le parc. Il lut à l’enfant qui l’attendait fébrilement ces quelques pages où la poupée racontait ses aventures, ses voyages, sa nouvelle vie. Le jeu dura trois semaines. Kafka y mit fin en trouvant un époux à la poupée. Il savait que les femmes ont une étrange façon de mourir: elles se marient.
Il avait toujours pensé que « le coït est le châtiment du bonheur de vivre ensemble » et que les femmes sont des pièges qui guettent l’homme de tous côtés pour l’entraîner dans le domaine exclusif de la finitude. Il avait pitié des petites filles « à cause de leur transformation en femmes à laquelle elles doivent succomber. » Il préférait les jeunes filles auxquelles il envoyait des lettres. « Écrire des lettres, confiait-il, c’est un commerce avec les fantômes, non seule ment avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre, qui grandit sous la main qui écrit. »
La chose qu’il a comprise et qui m’a le plus touché, c’est que la vie se déroule comme un examen où seul est reçu celui qui ne répond pas aux questions.