Les judicieux conseils de Carl Gustav Jung

2030_1101694469841971_4003857353132359744_nJung conseillait à ses étudiants d’apprendre la psychologie non sur les bancs de l’Université, mais dans les meetings politiques, dans les sectes religieuses et au bordel. « Tout le monde ne doit pas savoir la même chose et le savoir en question ne peut jamais être transmis à tous de la même façon. C’est là ce qui fait totalement défaut dans nos universités : la relation entre l’élève et le maître. »

Comme tout psychologue sensé, il était partisan de séparer les enfants des parents dès qu’ils avaient atteint l’âge adulte. Il ajoutait ceci que je juge fondamental : « Les enfants n’appartiennent pas aux parents et c’est seulement en apparence qu’ils sont issus d’eux. » Il estimait qu’il ne devait pas y avoir la moindre contrainte, la plus petite sujétion d’un côté comme de l’autre.

Quand une Américaine lui proposa de fonder un Institut pour rapprocher la pensée orientale de la pensée occidentale, il s’exclama : « Pour moi, un Institut qui distribue la sagesse est le comble de l’horreur. Autant que je sache, ni Kung Fu-Tseu, ni Lao-Tseu, ni Tchouang- Tseu n’avaient d’Institut. »

Et à une correspondante anonyme qui lui demande jusqu’à quel âge une cure analytique peut être entreprise, il lui répond que l’âme peut être traitée aussi longtemps que l’être humain a une âme.

« Les seuls qu’on ne puisse pas traiter sont ceux qui sont venus au monde sans âme. Leur nombre n’est pas négligeable. » Il semblerait même qu’il augmente de manière exponentielle.

Le Père Noël s’est encore suicidé…

Chaque année, la nuit de Noël, ce père de famille sortait de chez lui, tirait un coup de pistolet en l’air et retournait tranquillement auprès de ses enfants terrorisés.

« Le père Noël s’est encore suicidé », leur annonçait-il. Peut-on rêver plus beau cadeau de Noël ?

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Bukowski inédit: le grand feu

Inédit en français, extrait du recueil «Mocking Bird Wish Me Luck» (1972).

Copyright Yves Sarda pour la trad. française

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je suis en feu comme le cactus dans le désert

je suis en feu comme les paumes d’un acrobate

je suis en feu comme les crocs de l’araignée

je suis en feu à cause de toi et moi

je suis en feu en entrant au drugstore

je suis en feu je suis en feu

la fille me tend ma monnaie et

se moque de moi

je suis en feu seul dans mon lit

je suis en feu avec toi

je suis en feu en lisant un livre

sur Trotski, Hitler, Alexandre le Grand,

n’importe qui, tout humain mort vivant

marchant une fois sur la

terre

je suis en feu en regardant l’herbe

je suis en feu en regardant les oiseaux sur les fils télégraphiques

je suis en feu en répondant au téléphone –

je me lève d’un bond d’un seul quand il sonne

je brûle

je suis en feu en regardant du velours

je suis en feu en regardant un chat qui dort

je suis un truc impuissant qui brûle

parmi d’autres trucs impuissants qui brûlent

je suis couché sur le côté gauche et regarde les pierres tombales

alors je me couche sur le côté droit et regarde les pierres tombales –

elles sont toutes

en train de brûler

je suis en feu quand je colle un timbre sur une enveloppe

je suis en feu quand j’emballe des ordures dans un journal

je suis en feu à cause des héros, des nains, de la pauvreté et de l’espoir

je suis en feu à cause de l’amour et de la colère

je suis en feu comme une chauve-souris suspendue la tête en bas

comme un groom qui déteste les riches et sourit devant leurs pourboires

je suis en feu au supermarché

en regardant une femme plus que femme

se pencher pour choisir une salade de pommes de terre

je suis en feu comme une paire de ciseaux découpant les yeux du ciel

je suis en feu comme cent mille singes bouillis dans un seul coeur

et qui sanglotent à travers des siècles

d’impuissance

je suis en feu comme un couteau au tranchant sans tache dans un tiroir de

cuisine

je suis en feu comme un mendiant en Inde

un mendiant à New York

un mendiant à Los Angeles…

la fumée et la brûlerie s’élèvent

et la cendre est écrasée sous…

je suis en feu comme le cirque qui s’en est allé

le champion qui abandonne sur un genou

tout brûlant

tout seul

une seule

cendre

je suis en feu comme une baignoire sale dans un meublé isolé

je suis en feu comme le cafard que je tue avec ma chaussure

je suis en feu à cause des hommes, femmes et animaux

qui sont torturés et mutilés dans des lieux sombres et

solitaires

je suis en feu à cause des armées et des anti-armées

je suis en feu à cause de l’homme que je hais le plus au monde

je suis en feu sans aucune chance

la graisse est dans le feu, l’agneau est au-dessus

le sacrifice semble sans fin

l’épreuve semble sans fin

le soleil est en feu…

et l’horizon vitreux est rouge

et les pleurs

et les pleurs

et toi et moi

le soleil brûle tout :

les chiens, les nuages, la crème glacée

la fin

la fin de l’escalier

la fin de l’océan

le dernier cri

l’insecte dans le bocal

éclate en flammes

et l’intérieur du crâne

cède

en-fin

la fumée se

disperse

 

Lou Andréas-Salomé, de l’ivresse à la tisane…

Peu avant sa mort, le 5 février 1937, Lou Andreas-Salomé confia à son vieil ami et éditeur, Ernst Pfeiffer:  » Quand je laisse errer mes pensées, je ne trouve personne. » Et ses derniers mots furent : « Le mieux, après tout, est la mort. »

La petite-fille du général von Salomé était née soixante-seize ans plus tôt à Saint-Pétersbourg et avait traversé en amazone flamboyante la culture mitteleuropéenne, laissant sur son passage un parfum de scandale et d’érotisme, accédant même au rang de mythe à travers la pièce de Frank Wedekind, La boîte de Pandore, une tragédie de monstres et figurant sur la photo la plus célèbre de l’histoire de la philosophie : à Lucerne, sur fond de Jungfrau, elle tient un fouet cependant qu’un Nietzsche extatique et un Paul Rée mal à l’aise tirent la carriole sur laquelle la jouvencelle est juchée.

Reconnaît-on une adolescente surdouée au choix de ses lectures et à l’âge avancé des hommes dont elle s’éprend ? À dix-sept ans, Lou entame une relation très particulière avec le pasteur Gillot, père de deux enfants de son âge. Grâce à lui, elle découvre Kant et Spinoza qui resteront ses philosophes favoris, ainsi que les moralistes français. Mais Lou ne se donne qu’en se refusant. Et quand Pygmalion voudra épouser sa Galatée, elle prendra à fuite.

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C’est d’ailleurs une constante de Lou : fuir. À l’exception de Rilke qui éveillera son instinct maternel, elle laissera toujours les hommes se brûler au feu de sa virginité. Ce n’est pas une délurée nihiliste comme Louise Brooks qui incarnera son personnage caricaturé par Wedekind dans le film de Pabst, Lulu. Non, Lou est parcimonieuse jusque dans ses audaces – le ménage à trois avec Rée et Nietzsche -, mais douée d’une singulière perspicacité dès lors qu’elle croise des hommes supérieurs sur sa route. Alors, elle redevient la petite Liolia fascinée par le pasteur Gillot, trop voluptueuse pour n’être pas frigide, trop douée pour les exercices de séduction pour ne pas mettre en pratique ce qu’elle a appris en méditant les maximes de La Rochefoucauld ou de Chamfort.

Est-ce sa soif de liberté qui la pousse toujours ailleurs ? Peut-être. Mais on décèle aussi chez elle un souci panique de se préserver, une volonté inébranlable de ne pas fêler le miroir de son narcissisme. Lou, qui a toutes les audaces, ne prend finalement jamais de risques. Elle est plus proche de Leni Riefenstahl que de Louise Brooks. Même ses confidences demeurent d’une discrétion exaspérante. Et on peine à comprendre qu’elle ait expurgé de ses archives tout ce qui pouvait la compromettre, y compris les lettres du pasteur Gillot ou l’ébauche de son essai sur son adhésion à l’Allemagne nazie.

Nous avions rêvé Lou en adolescente rebelle, en séductrice perverse, en névropathe mystique, en psychanalyste suicidaire et nous sommes consternés de la retrouver en vieille dame apaisée « envisageant comme un cadeau du grand âge le regard distancé qu’il procure ».  Au temps de l’ivresse intellectuelle et érotique a succédé celui de la tisane. Y a-t-il pire offense du destin ? Oui, le mieux, après tout, est la mort.

 

 

Se simplifier la vie…

Dans un joli petit livre, Les sautes d’humour du Docteur Freud (recueil d’anecdotes choisies par Octave Mannoni), j’apprends que Freud avait en horreur tout ce qui compliquait l’existence, la sienne comme celle des autres. Ainsi, il ne voulut jamais posséder plus de trois complets, trois paires de chaussures et trois sous- vêtements.

On me demande parfois ce qu’on gagne à faire une analyse. Je répondrai dorénavant : la simplicité. Quant à l’humour qui, selon  Freud, était avec la capacité d’aimer un signe de santé mentale, il en était richement doté, cultivant l’humour noir qui était de rigueur à Vienne. Ainsi, lorsqu’il présenta à Karl Abraham ses essais de métapsychologie pendant la Première Guerre mondiale, il l’avertit d’emblée : « Ce n’est qu’une horreur de la guerre parmi tant d’autres. » Et il écrivit à Lou Salomé qui abusait de la psychanalyse : « Vous pratiquez jusqu’à dix heures d’analyse par jour : je considère qu’il s’agit d’une tentative de suicide mal dissimulée. »

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François Roustang, jésuitisme et psychanalyse…

Même quand il était chez les Jésuites, François Roustang refusait de lire les ouvrages de piété. Il a appris, en revanche, la contemplation dans l’action. Peu importe quelle forme  de contemplation ou de méditation pourvu qu’elle soit justifiée par l’intelligence. Ce qui donnait accès à une liberté d’esprit presque sans limite.ignace_loyola Liberté dont cet hérétique dans l’âme qui faisait des sermons en allemand à la cathédrale de Munster et qui traduisait Ignace de Loyola, a sans doute abusé, critiquant dans la revue Corpus, les encycliques papales au point d’être pris à parti par le Père de  Lubac, « un type très bien s’il n’était pas devenu cardinal », ajoute-t-il.

Quant à la psychanalyse, il en garde surtout les premiers écrits – ceux concernant l’hypnose. Il m’a d’ailleurs incité durant cette soirée à lire attentivement Traitement de l’âme (1890) de Freud, ce que je me suis empressé de faire. Freud qui tâtonne alors à la recherche de nouveaux moyens pour guérir ces patients « nerveux » note qu’un médecin à la mode a beaucoup plus de chances de réussir dans sa pratique qu’un simple débutant inconnu : le psychisme n’est pas individuel, mais social. Et c’est sans doute le coup de génie de Freud d’avoir relié l’ontogenèse à la phylogenèse, offrant ainsi à chacun un horizon bien plus vaste que celui dans lequel nous enferment aujourd’hui un cognitivisme ou un comportementalisme  étroit.

Mikkel Borch-Jacobsen, qui est si proche de François Roustang, vient d’ailleurs de publier aux éditions l’Iconoclaste tous les textes retraçant l’itinéraire du jeune Freud, de Paris à Vienne, et quiconque s’intéresse à l’histoire de la psychanalyse devrait aussitôt se procurer cet opus magnum richement illustré par qui s’intitule sobrement L’Hypnose.teaser_hypnose On oublie trop souvent que Freud a été pendant dix ans hypnotiseur, tout comme Roustang, et également qu’il s’est passionné pour la télépathie et tout ce qui concernait la parapsychologie. Eût-il dû refaire sa vie, a-t-il  souvent dit qu’il n’aurait pas choisi d’autre sujet d’étude. J’ai hâte de revoir François Roustang pour évoquer avec lui cette part méconnue  de Freud. Et de lui demander s’il est vraiment possible de mettre un terme à la plainte des humains, sinon en les hypnotisant, tant ils me paraissent inconsolables : d’éternels enfants qui réclament toujours de nouveaux jouets tout en pleurant sur ceux qu’ils ont brisé ou, pire encore, qu’ils n’ont jamais eus. À une plainte sans fin, François Roustang oppose la fin de la plainte. Je n’y crois guère : la religion, la psychanalyse et même la danse, sans parler de l’art, ne sont que de vastes récéptacles d’une souffrance que rien ne peut soulager, sinon le sentiment qu’elle est pire encore pour autrui.

François Roustang et les manigances de Lacan…

En dépit de ses quatre-vingt treize ans, François Roustang n’a rien perdu de son esprit malicieux et iconoclaste. Une soirée avec lui chez Yushi, notre cantine de la rue des Ciseaux, est une leçon de vie : on en sort rasséréné avec une seule envie, celle de danser. D’ailleurs, nous a-t-il raconté, rien ne lui a fait plus plaisir que d’être invité dans un club de danse pour y parler de ses livres. L’hypnose, la magie, la poésie, la danse…si le divin doit s’inviter chez l’homme, ce ne peut être que sous cette forme. Par ailleurs, cet ancien jésuite ne croit ni en Dieu, ni en la résurrection, ni dans les rites et encore moins dans le Moi cette baudruche gonflée d’orgueil. Il n’éprouve aucune empathie pour ses patients qui ne sont le plus souvent que des maladroits qu’un geste suffit à guérir, voire une parole cinglante  – une incitation au suicide par exemple  – à réconcilier avec les petites choses, les toutes petites choses de la vie. Toute explication est inutile, voire néfaste : elle n’aboutit qu’à retarder ce moment décisif où nous devons tout lâcher, ne plus penser et ne plus vouloir, ne plus nous demander comment nous pourrions nous en sortir et même si nous pouvons nous en sortir. Sans appui dans le passé, sans espoir dans le futur, démuni au plus fort de l’incertitude et du doute : c’est là la Voie à atteindre, nous dit en rigolant François Roustang, ce moine taoïste qui aurait tout appris de Maître Eckhardt et de la mystique rhénane. Une séance suffit le plus souvent. Et quand il raconte comment elles se passent, c’est à mourir de rire : il demande simplement à ses patients d’apprendre à s’asseoir correctement dans leur fauteuil ou, dans les cas les plus lourds, à se couper la tête. Ce que son patient doit affronter, c’est l’impossible. Et d’ailleurs, il n’y parvient jamais, ajoute Roustang en souriant.

Il a beaucoup appris de Lacan qui, lui aussi, était un Maître Zen. Il reconnaît n’avoir jamais compris le moindre mot de ce qu’il disait, sinon que l’analyste ne doit s’autoriser que de lui-même. C’est Lacan qui, après l’avoir lu, lui avait téléphoné pour le voir. Il voulait qu’il intègre son École. Il le flattait un peu trop pour être crédible, lui a fait remarquer Roustang. C’etait un redoutable manipulateur qui dissimulait sa faiblesse en humiliant les faibles et en neutralisant par des flagorneries ceux qui auraient pu lui porter ombrage. Le profil parfait de celui qui veut fonder une secte. François Roustang qui avait déjà passé vingt ans chez les Jésuites, connaissait trop bien tous les trucs pour s’y laisser prendre. Il a fait une analyse avec Serge Leclaire, analyse qui l’a libéré du fardeau de la religion, de toute religion, et même du lacanisme. Il n’a jamais songé à avoir des disciples, jugeant la chose plutôt grotesque. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne porte pas Jacques-Alain Miller dans son cœur.

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À propos de Lacan, une anecdote. On ignore, en général, qu’il était un peu sourd. Lors d’un congrès, François Roustang était assis à côté de lui. Lacan lui a alors demandé de lui filer des notes pour qu’il puisse suivre les débats. Pendant toute une matinée, ils n’ont donc pas cessé d’échanger des petits mots. À la fin du congrès, tous les fidèles lieutenants de Lacan ont absolument voulu savoir quels étaient ces mystérieux échanges. Roustang s’est borné à dire d’un air mystérieux :  » C’est une affaire entre lui et moi « . Ce qui lui a valu le respect de toute l’assemblée.

Cioran et Leopardi: l’homme est un animal taré…

Dans une revue italienne,  Mario Andrea Rigoni qui fut l’ami et le traducteur de Cioran – et également un des meilleurs connaisseurs de Leopardi – dit ce qui unit ces deux penseurs et il le dit si bien que je lui laisse la parole.

Cioran et Leopardi partageaient l’expérience capitale de l’ennui, c’est-à -dire du sens de la vacuité universelle des choses qu’ils percevaient…non seulement au niveau de leur pensée, mais de leur chair même. C’étaient tous deux des sceptiques, dépourvus de toute illusion, bien qu’ils aient reconnu la nécessité de celle-ci pour la vie et pour l’histoire. Ils voyaient l’homme comme un animal taré dés l’origine et ayant quitté la voie de la nature jusqu’au point de constituer une anomalie menaçante marchant fatalement vers sa propre destruction. Telle fut la cause première de leur anti-historicisme et de leur anti-humanisme radical.

Si l’on n’a pas qu’entrevu cela, autant renoncer à lire Leopardi, Schopenhauer ou Cioran. Les innombrables ouvrages sur le développement spirituel et l’amour des enfants –  j’ai pu vérifier de visu l’horreur qu’inspirait la procréation à Cioran quand mon ami Christian Delacampagne est venu lui rendre une visite accompagné de sa femme enceinte – devraient suffire en cette période de Noël qui est un vrai cauchemar pour tout nihiliste conséquent… à moins qu’il n’ait suffisamment d’humour et d’argent pour se cloîtrer dans un palace helvétique.

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C’est d’ailleurs ce à quoi Cioran aspirait.

Charles Bukowski inédit: bon dieu les chiens aboient des couteaux

Inédit en français, extrait du recueil «The People Look Like Flowers At Last» (2008). Copyright Yves Sarda pour la traduction française.

 

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bon dieu les chiens aboient des couteaux

et sur les monte-charges

des bonhommes en meccano

décident de ma vie et de ma mort ;

les faucons louchent

et il n’y a rien à sauver ;

faites-nous connaître l’impossible

faites-nous savoir que les hommes forts meurent en meutes,

faites-nous savoir que l’amour s’achète et se garde

comme un chien-chien – un chien qui aboie des couteaux

ou un chien qui aboie de l’amour ;

faites-nous savoir que vivre sa vie

parmi des milliards d’idiots à la sensibilité moléculaire

est un art en soi ;

faites-nous connaître les matins les nuits et

la perfidie ;

laissez-nous partir avec l’hirondelle

laissez-nous lyncher le dernier espoir

laissez-nous trouver le cimetière des éléphants

et le cimetière des fous ;

laissez ceux qui chantent des chansons de leur invention

laissez les chanter aux idiots aux menteurs

et aux planificateurs stratégiques

dans un jeu trop ennuyeux pour les enfants ;

il n’y a qu’une unique façon de vivre

c’est seul,

et une unique façon de mourir, c’est pareil ;

j’ai entendu défiler leurs armées au pas

toutes ces années ;

que c’est fastidieux –

ce qu’ils visent et ce qu’ils ont gagné ;

que c’est fastidieux qu’ils soient mes maîtres

et me suivront sans doute dans la mort

ajoutant davantage de mort à la mort ;

la voie est entièrement creuse –

je touche un petit anneau à mon doigt

et respire l’air

battu.

 

 

Une soirée à Genève…

Par Jean-François Duval, que nous remercions chaleureusement.

 

J’étais hier soir à l’une des ventes aux enchères (elles durent toute cette fin de semaine) de la maison créée par mon neveu (avec 2 associés). En y assistant, j’ai l’impression amusante d’entrer de plain dans un bouquin de Balzac. Ce midi, un Bouddha, estimé 1200.- francs suisses est
parti à 550’000.- francs. Personne ne s’y attendait (ou tout le monde avait oublié que certains Chinois s’offrent davantage que des Rolex). Si d’ailleurs je t’en parle, c’est que je suis encore sous le coup ! Il y aurait sans doute  bien des distinctions à faire entre le jeu et l’achat d’objets
aux enchères, mais j’ai par instants des poussées d’adrénaline (à l’occasion de la montée fiévreuse des enchères pour ce divin Bouddha par exemple) qui me font beaucoup mieux comprendre la passion dévorante
du Joueur, et l’espèce de «shoot » qu’on peut en attendre.

Vues aériennes / Aerial view

En plus, Genève Enchères est situé en plein milieu des Pâquis. Je n’avais depuis longtemps pas passé par là de nuit. Or, Genève by night a beaucoup changé: les filles en vitrine sont bien plus belles qu’à Amsterdam.
On les dirait figées dans ces mêmes postures de mannequins que tu filmes parfois à Lausanne. L’une, formant avec deux autres un trio, m’a adressé un petit signe de la main, et j’ai fait pareil. On avait probablement tous les deux besoins d’être encouragés.

Te suis quasi journellement sur Youtube. En un sens, tu m’épargnes d’avoir à vivre une vie quotidienne réclamant des efforts dont je me sens bien incapable moi-même (que tu en sois loué!). D’où l’utilité
aussi de ces quelques «shoots» bouddhiques.

Amitiés fidèles  !

Jean-François