Un homme-médecin comme on en rencontre en Inde…
Freud vint au-devant de moi, me serra la main, me pria de m’installer et m’examina attentivement. Je regardai ses yeux merveilleusement bienveillants, chaleureux : ils reflétaient une mélancolie qui donnait à penser qu’il en savait long. En même temps, j’eus l’impression que sa main effleurait rapidement mon front – et les douleurs en furent comme effacées.
« Oh, me dis-je, que voilà donc un homme médecin comme on en rencontre en Inde. Il n’a nul besoin de sa méthode. Il pourrait aussi bien dire Abracadabra que déjà on se sentirait le cœur plus léger et presque bien portant. Ça, mon cher, c’est un médecin ou je ne m’y connais pas ! »
Je n’avais jamais vu un pareil homme. Au même instant, je conçus pour lui une confiance sans réserve. Il demeura quelques instants silencieux, souriant devant lui. Il dit alors amicalement :
» Permettez-moi de faire un peu votre connaissance. J’ai ici quelques poèmes de vous. Très beau – mais renfermé. Car vous vous cachez derrière vos mots au lieu de vous laisser porter par eux. Tête haute ! Vous n’avez aucune raison d’avoir peur de vous-même… À présent, racontez-moi quelque chose de vous. Dans vos vers, c’est la mer qui revient sans cesse. Voulez-vous par là indiquer quelque chose d’une façon symbolique, ou avez-vous eu réellement affaire avec la mer ? Au fait, d’où êtes-vous ? »
C’était comme si des écluses s’étaient ouvertes en moi. Et, avant que je m’en fusse aperçu, je lui racontai toute ma vie, je lui racontai sans aucune retenue des choses dont sauf à toi je n’ai jamais parlé à personne. Quel sens y avait-il donc à lui cacher quoi que ce soit ? Tout en effet lui était déjà connu d’avance.
À lui, Freud, oui. Mais à vous, lecteurs, non. Rendez-vous donc demain …