Faut-il l’imputer à mon téléviseur qui rendait l’âme ou au peu d’entrain qui régnait sur le plateau de Laurent Ruquier ? Toujours est-il que dans les brumes matinales, je ne voyais plus que Joël Dicker arrivant aux commandes d’un long-courrier Swiss pour lancer son nouveau roman, Le Livre des Baltimore, à l’occasion d’un cocktail géant le célébrant à Genève. On fait les choses en grand dans les petits pays. À Paris, il n’a eu droit qu’au respect de Yann Moix qui respecte tous les écrivains et qui respecte infiniment ceux qui vendent leur livre, ce qui est devenu exceptionnel. Il était embarrassé pour en dire plus : il s ‘est donc contenté de rappeler qu’il était lui aussi écrivain, au cas où sa présence aux côtés de Léa Salamé et de Laurent Ruquier nous amènerait à en douter.
Ruquier, bien sûr, n’avait lu que la moitié du Livre des Baltimore et tentait sans grande conviction d’en connaître la fin pour s’épargner un effort superflu. Léa Salamé, elle, confessait qu’elle avait des amis snobs qui prétendaient que Dicker n’avait aucun style – sans doute avaient-ils lu Frédéric Beigbeder dans le Figaro Magazine qui l’avait étripé – mais qu’elle avait offert La vérité sur l’affaire Harry Quebert à ses neveux, respectivement âgés de seize et dix-huit ans, jusque là imperméables à la lecture et qui grâce à Joël Dicker ont pris goût à ce vice solitaire. Tout le monde sur le plateau d’On n’est pas couché s’est alors extasié sur le miracle qui s’était produit et sur les trois millions d’exemplaires que le jeune et fringant Genevois avait dispersés dans le monde entier. Dieu que la multiplication des pains semblait minable à côté de ce tour de force: c’était comme si l’on assistait en direct à la résurrection de la littérature.
En revanche, avec Claude Bartolone – personnage plutôt sympathique au demeurant – aucun miracle ne se produisit. Tout juste quelques arnaques sur les produits financiers toxiques liées à la parité du franc suisse et de l’euro, ainsi qu’à des emplois fictifs. Rien que de très banal en politique, sans conséquence aucune et d’ailleurs attribuable à ses prédécesseurs. François Mitterrand l’aimait bien, Bartolone, pour sa gouaille. Et il est vrai que le meilleur moment de cette soirée insipide fut celui où Bartolone raconta pourquoi il voulait que la région Île de France s’appelât dorénavant région « Paris, Île de France ». Pour une raison très simple, c’est que personne dans le vaste monde ne connaît l’Îe de France et que tous ses interlocuteurs lui demandent s’il faut prendre un bateau pour s’y rendre. Adolescent, Claude Bartolone voulait devenir garagiste : je lui aurais volontiers confié ma voiture. Quant à voter pour lui, c’est une autre question: il détiendrait, selon ses interlocuteur, le record des déficits des régions dont il a eu la charge. Un endettement maximal pour Bartolone, un enrichissement incroyable pour Joël Dicker…
Les Suisses seraient-ils devenus plus astucieux que les Français ?
C’est vrai aussi que Paris a toujours été vu comme une île en France pour les gens en « région », comme on dit nouvellement pour éviter d’employer le terme province, mal connoté par ces « Parigos » (*) qui décidément donnent le « la » partout en France et au delà des frontières pour les moins bien informés qui ne sont pas encore informés justement que c’est de moins en moins le cas. Par exemple, en basse Normandie c’est Michel Onfray qui rééduquent les autochtones et il a du boulot le Girondin, c’est le moins qu’on puisse dire. On ne dit plus « Monter à Paris » mais plutôt « faire un détour à Paris », et bien souvent sans s’arrêter depuis qu’ Anne Hidalgo empêche qu’on s’y gare en double file voire triple comme à l’âge d’or des années soixante dix où on pouvait oublier sa voiture au feu rouge le temps d’aller boire un café arrosé et revenir trois feux plus tard comme si de rien n’était. C’était avant l’ère des digicodes dont les p’tits cons d’aujourd’hui pensent qu’ils ont toujours existé, pauvre gamins, ils font pitié.
(*) tête de veaux
J’aimeJ’aime